Quels thèmes sont abordés et sous quelles formes ?

Les références au Tiers Monde et au développement prennent souvent la forme de « cris du cœur ». On y sent la volonté de dénoncer les injustices, de crier sa révolte, de changer la vie, le monde. Il s’agit donc bien d’un certain engagement. J.Gonnet relève dans un journal lycéen, Impact, une phrase qui résume bien la position des élèves : « …Dénoncer les injustices qui se déroulent sous nos yeux, mais nous devons aller plus loin encore, combattre tous ceux qui organisent et entretiennent ces injustices … ». Mais cela n’exclut pas la qualité de l’information, les articles sur le Tiers Monde sont généralement clairs et bien documentés.

Les principaux thèmes abordés concernent d’abord les situations dans le Tiers Monde. On trouve quelques articles de fond sur les drames qui le frappent et sur quelques pays pauvres. Ils concernent souvent la faim et l’aide alimentaire, les enfants ( le travail, la prostitution et les mines anti-personnelles ont beaucoup frappé les jeunes ). Tribu par exemple ( Lycée Triboulet à Romans ) écrit : « chaque jour, faisons en sorte que les enfants opprimés, affamés, mal traités, aient une place plus importante dans nos cœurs. Nous pourrons faire progresser l’Homme ». Madame Germaine parle de l’excision. Tiers Monde remonte la filière du cacao … Les pays qui sont étudiés, sont généralement ceux où l’établissement soutient une action ( par exemple, la Tunisie pour le collège J.Vilar d’Echirolles, le Sénégal pour le lycée de Meylan, dans l’Isère ) ou ceux qui s’imposent à l’actualité ( l’Afrique du Sud avec la fin de l’apartheid….). On trouve aussi des points de vue sur les évènements récents sous forme de « Brèves » ou dans des articles plus détaillés ( le coup d’état du général Gueï en Côte d’Ivoire…). Dans Tribu, l’évocation des massacres en Algérie débouche sur une analyse intéressante des causes de la violence et même sur une pétition. Ce désir de présenter l’actualité est quelquefois justifié dans les colonnes du journal : les jeunes se méfient des informations télévisées qui dépendent de considérations politiques et économiques et des « coups de projecteurs médiatiques ». Les analyses des causes du « sous-développement » ou « mal développement » sont beaucoup plus rares. Les anniversaires comme celui de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme peuvent donner lieu également à des articles.

Un autre thème privilégié est l’action humanitaire. Les « journalistes » obtiennent des interviews ou font venir des représentants d’ONG. Quelques exemples : Générations a rencontré «  Médecins du Monde » et présente, avec beaucoup de lucidité, les objectifs et les contraintes de cette association. L’œil du Granier ( Lycée du Granier à La Ravoire en Savoie) résume les campagnes d’ « Artisans du Monde » dont « De l’éthique sur l’étiquette ». Il fait la liste des « gentils magasins » c’est à dire ceux qui appartiennent à des chaînes de distribution qui acceptent de respecter un code de conduite sur les conditions de travail dans le Tiers Monde 262   et de ceux qui n’ont pas voulu s’y engager. On signale aussi les petites associations locales qui travaillent dans un pays d’Afrique ou d’Asie et on insiste surtout sur les actions humanitaires menées par l’établissement ( actions ponctuelles mais aussi partenariats sur la durée ).

L’immigration, le racisme et, un peu moins souvent, l’interculturel sont aussi des thèmes abordés parfois dans les journaux lycéens, plus particulièrement dans les établissements qui ont des élèves d’origines très diverses. Ils dénoncent le racisme, essaient de lutter contre les préjugés concernant l’immigration et insistent sur la richesse des autres cultures. Quelques exemples : L’Echo des Trois Sources, en liaison avec la Semaine d’éducation contre le racisme, le dénonce dans des articles souvent virulents qui visent nommément le Front National. Il fait également le compte-rendu d’une exposition sur « la mosaïque des cultures » qui privilégie les cultures africaines et il mène une véritable enquête sur les foulards islamiques, avec un rappel des textes officiels, un historique d’après un article du Monde, le point de vue d’un professeur de Philosophie qui est contre, au nom de la liberté des femmes, le point de vue d’une élève qui voit dans l’interdiction une atteinte à cette même liberté, le point de vue du Proviseur-adjoint qui plaide pour la discussion avec les familles. Madame Germaine publie un article de fond sur l’immigration intitulé « Une richesse plus qu’un danger ». Il fait un rappel de l’histoire de l’immigration, met en avant la gravité d’un « problème qui nous concerne tous » car « la moitié des immigrés ont été victimes d’actes racistes », le danger de faire des étrangers des boucs émissaires ( il dénonce en particulier la confusion qui est faite entre les islamistes intégristes et les fidèles modérés ). Il s’interroge sur la manière dont les immigrés vivent la xénophobie et conclut sur l’enrichissement lié à une société multiethnique. Si la nécessité de connaître les autres cultures et d’en accepter les différences est clairement évoquée, les informations sur ces autres cultures sont moins nombreuses, sauf en ce qui concerne les pays avec lesquels l’établissement est en relation, et souvent au travers des témoignages de jeunes qui évoquent leur appartenance à une double culture, celle du pays d’origine et la culture française ou dans le cadre d’un jumelage entre établissements. Les élèves du lycée du Granier en Savoie, reçoivent leurs camarades d’un lycée sénégalais et évoquent les différences de cultures. Tiers Monde a publié un dossier évoquant les cultures africaines.

Les comptes-rendus de voyages sont également assez fréquents dans les journaux lycéens. Ce sont de petits déplacements et Genève est alors la destination privilégiée avec la Croix Rouge et les organisations qui dépendent de l’ONU. Ce sont aussi des voyages dans un pays lointain et dans ce cas-là le ton et le contenu peuvent être très différents. S’il s’agit de voyages individuels d’élèves, le ton est souvent celui d’un dépliant touristique. Par exemple, à St Domingue, « les gens ne connaissent pas le stress, ils adorent faire la fête et danser. C’est cool. » ( journal d’un collège de l’Ardèche ). Dans un lycée de Valence, le compte-rendu d’un voyage en Inde où l’élève n’a pas vu la misère, voisine, dans le même numéro, avec celui d’un voyage au Burkina Faso où les problèmes ont été très bien compris. Les rapports de voyages organisés par l’établissement dans le cadre d’un action de coopération présentent des analyses plus personnelles et approfondies. Des jeunes désirant faire un voyage en Inde ont utilisé les colonnes d’un journal pour trouver un petit emploi leur permettant de le subventionner.

Des comptes-rendus de films ou de livres complètent cette information mais ils ne sont pas très nombreux. Quelques journaux présentent des bibliographies. Les journaux lycéens annoncent aussi parfois les manifestations sur ces thèmes, dans et hors de l’établissement. Et dans les collèges, les animaux sont souvent une source d’inspiration : « Le lion » à Péage de Roussillon et « L’éléphant » à Chambéry.

Les journaux lycéens qui existent ou qui sont disponibles, ne permettent donc pas de conclure à une véritable priorité de la connaissance des autres continents, des peuples, des cultures, des problèmes. Quelques élèves et quelques établissements sont très engagés mais c’est loin d’être le cas de tous. Quelques analyses font preuve d’une grande lucidité. Les possibilités pédagogiques de ces journaux lycéens sont insuffisamment utilisées selon les spécialistes. Ils devraient être intégrés dans le projet d’établissement et deviendraient alors un outil exceptionnel pour l’apprentissage de la démocratie, un entraînement à la communication, et un moyen d’ouverture sur le monde.

TABLEAU N° 29 : Les journaux lycéens dans l’Académie de Grenoble
TABLEAU N° 29 : Les journaux lycéens dans l’Académie de Grenoble
Notes
262.

Cette campagne sera abordée dans la 4° partie B.