Les manifestations des difficultés

Le point de vue des enseignants

Une impression de piétinement est ressenti dans les établissements scolaires: « On n’y arrivera pas comme cela » dit un enseignant. Sans vouloir verser dans le pessimisme, il est rare, lors de rencontres, qu’ils ne donnent pas un exemple, qu’ils ne racontent pas une anecdote qui les a découragés, sauf pour les actions qui démarrent. L’enquête menée auprès des professeurs d’histoire-géographie de l’Académie fait apparaître que l’éducation au développement devient une entreprise « de plus en plus difficile » et que « la cause de l’Afrique » n’avance guère dans les établissements scolaires. Pour l’inspecteur A.Zweyacker, « les progrès de la mondialisation vont de pair avec un recul de la conscience mondiale…constat qui n’a pas encore suffisamment pénétré notre réflexion » 272 . Cela explique une « latence » plus ou moins marquée selon les établissements et les périodes. Une enquête auprès d’enseignants, menée par Resacoop et datant de 2004, fait apparaître que par rapport aux efforts déployés depuis plusieurs décennies, l’éducation au développement ne progresse pas vite. Des informations recueillies au niveau de l’académie confirment qu’il n’y a pas actuellement une « réelle mobilisation sur cette thématique ».

Cela se traduit par une difficulté à mobiliser les élèves. Même sur des activités ponctuelles, telles que séances d’information, projections… ils sont de moins en moins disponibles ou de plus en plus indifférents…au point que certains intervenants, en dehors des heures de classe, se retrouvent devant des salles presque vides ( un de ces « conférenciers » dit « qu’il a l’habitude »). Cela conduit les organisateurs, dans certains établissements, à abandonner ce type de séances, ce qui prive l’éducation au développement d’un moyen d’information longtemps efficace. Certaines activités destinées au financement des actions sont un échec, faute de participants : dans un lycée par exemple, une soirée se termine par un déficit financier. Cela se traduit aussi dans la fréquentation des clubs. Peu d’élèves ont envie de s’engager autrement que ponctuellement et parmi les membres des clubs, certains ont une fréquentation irrégulière ou viennent pour des motifs qui laissent un peu perplexes les animateurs. Dans les collèges par exemple, même si le désir de lutter contre la pauvreté est évident chez certains, d’autres facteurs jouent aussi : le plaisir de se retrouver entre « copains » de classes différentes, le goût des travaux manuels, l’envie de se mettre à l’abri pendant l’hiver, en évitant les salles d’études. Ils « désertent » au printemps quand la cour reprend quelques attraits. En outre, il apparaît de plus en plus difficile de proposer aux élèves une formation, même légère, sur les problèmes de développement. Les réunions des clubs sont souvent occupées entièrement à l’organisation de quelques activités rémunératrices pour financer les actions sur place. Des clubs végètent, de l’aveu même des animateurs, « les élèves s’y intéressent de loin » dit un enseignant de l’Isère. Des responsables académiques signalent aussi que ces clubs de solidarité internationale sont de moins en moins nombreux dans les établissements, ces dernières années.

Le découragement gagne certains animateurs : ils se sentent souvent isolés dans leur établissement quand ils travaillent sur ces thèmes. L’indifférence d’un certain nombre de leurs collègues, sur lesquels ils ne peuvent pas compter, n’est pas très tonique. Dès que les promoteurs d’un projet s’en vont, souvent le projet s’écroule. Les jeunes enseignants ont trop de travail, trop de difficultés, pour certains d’entre eux, dans leurs pratiques quotidiennes, ils en ont assez des réunions et ne reprennent pas le flambeau. Plusieurs témoignages insistent sur la difficulté de former une équipe sur ces thèmes. Certains, parmi le «  anciens », se posent la question : « les nouvelles générations sont-elles moins militantes ? ». Un groupe de jeunes enseignants d’un établissement savoyard, très motivés, se sont engagés dans l’animation de clubs mais veulent arrêter au bout d’un an devant les difficultés rencontrées. Cette situation se retrouve aussi bien dans l’enseignement privé que public. Les efforts faits par la direction de l’enseignement catholique pour dynamiser l’éducation au développement se heurtent souvent à de l’indifférence : les enseignants ne sont pas très nombreux lors des séances de formation.

Notes
272.

Extrait du Bulletin de la Fédération française des clubs UNESCO.