Le point de vue des associations

Les associations qui travaillent avec les écoles ont souvent un point de vue un peu plus optimiste sur la sensibilisation des jeunes et la mobilisation des établissements. En effet, ce sont les enseignants et les élèves les plus motivés et les plus actifs qu’elles voient dans le cadre des activités périscolaires et des élèves souvent déjà « préparés » quand elles interviennent dans les classes. Ce sont les établissements et les enseignants déjà engagés qui répondent le plus souvent à leurs enquêtes et leurs sollicitations.

Depuis quelques années, beaucoup signalent, cependant, ce climat de « morosité ». Les associations ont le sentiment d’être maintenant très performantes et d’offrir aux établissements scolaires des outils pédagogiques et des intervenants de bonne qualité. Elles s’étonnent que les enseignants n’utilisent pas davantage ces possibilités. A Grenoble, l’association « Inter peuples » s’efforce de changer le regard que l’on porte sur les autres mondes, de développer la solidarité. Elle vise particulièrement le public scolaire. Sur l’évolution de l’éducation au développement, son constat est plutôt négatif. Les interventions en milieu scolaire sont moins nombreuses depuis quelques années, en partie parce que la demande est moins importante. Certaines associations se plaignent d’avoir du mal à entrer dans les écoles et parlent de « la forteresse Education nationale ». « Savoie Solidaire » fait aussi un bilan mitigé. L’opération qu’elle a lancée pour marquer le passage dans le nouveau millénaire, « Un cœur gros comme le monde », a été globalement un succès et a eu un effet d’entraînement sur les écoles du département 273 . Quinze écoles savoyardes travaillent au Sénégal en 2003 contre six, l’année précédente. Mais l’association a constaté aussi que plusieurs ont abandonné au bout d’un an et qu’elle devait beaucoup s’engager elle-même pour que cela continue. Quand elle essaie de prendre des distances, l’action a tendance à s’essouffler. Il est donc plus difficile de travailler avec les jeunes que ce qu’elle avait prévu. C’est la raison pour laquelle, dans le programme de formation qu’elle a élaboré, elle a consacré une séance au thème : « Comment intégrer les jeunes dans une démarche de développement ? ».

Beaucoup d’associations contactées s’inquiètent aussi pour leur propre avenir et sont conscientes d’un certain essoufflement. Elles craignent de ne plus pouvoir impulser l’éducation au développement dans les écoles comme elles le souhaiteraient. Cela est du d’abord à l’insuffisance de la « relève ». Les jeunes, motivés pendant leurs études, ne rejoignent pas forcément les associations après le lycée et les 25-35 ans en paraissent largement absents. Elles font la part du manque de temps et de disponibilité quand on commence à travailler alors que c’est souvent aussi l’époque où on fonde une famille. Il faut laisser passer le temps de la stabilisation. Mais certaines constatent aussi l’existence d’un

fossé des générations : quand les jeunes entrent dans un groupe plus âgé, ils n’y restent pas souvent, sans doute parce que les conceptions sont différentes, qu’ils ne s’y sentent pas très bien et qu’ils n’y trouvent pas ce qu’ils cherchent. Les membres anciens d’une association ont quelquefois du mal à faire de la place aux nouveaux venus et à leurs idées. Un militant va même plus loin et dénonce le risque de voir « les pères fondateurs » devenir « des élus de droit divin ». C’est pourquoi des associations créent de plus en plus souvent, dans leur sein, des groupes « jeunes ». La disparition des « emplois-jeunes » risque aussi d’avoir des incidences sur les activités des associations dans les écoles. Elles ont de plus en plus de difficultés financières à cause de la baisse des subventions. Beaucoup ne pourront plus assumer la charge de permanents et les seuls bénévoles ne peuvent pas solliciter les établissements et répondre à la demande, si elle s’amplifiait. Certaines, encore très minoritaires envisagent de faire payer leurs services puisqu’elles proposent un travail de professionnels. Cela risque de diminuer encore la demande car les établissements n’ont pas de budget pour cela.

Notes
273.

Cf. 3° partie A : l’étude de cas n° 6.