Les enseignants se plaignent de plus en plus de la rigidité du système, qui se révèle particulièrement forte dans ce type d’activités, qui se déroule à la fois dans et hors des frontières de la classe et des programmes.
Une des premières contraintes est la lourdeur et la rigidité des programmes.Il faut intégrer l’éducation au développement, sans la noyer, tout en respectant les programmes puisque, selon la plupart des inspecteurs, ils doivent être faits. Il est difficile alors de trouver le temps de réfléchir et d’échanger. Le problème est d’autant plus insoluble que dans des disciplines qui s’y prêtaient particulièrement, la dernière décennie a vu la diminution des horaires. C’est le cas de l’Histoire et de la Géographie, nous l’avons vu. L’A.P.H.G. a consacré une partie de son énergie à ce combat : « Il ne peut y avoir un enseignement de qualité au-dessous d’un seuil quantitatif, car nous sommes alors contraints à un cours magistral et à un survol simplificateur qui ne donne pas aux élèves les moyens de débattre et de former leur jugement » 277 . La réintroduction de l’ECJS ( Education civique, juridique et sociale ) aurait pu apporter une solution mais son horaire a été pris sur l’histoire-géographie et le français. En outre, une approche encore très disciplinaire de l’enseignement constitue un autre obstacle.
Des contraintes matérielles viennent s’y ajouter : manque de locaux, exigences de l’emploi du temps…Dans beaucoup d’établissements, les cours continuent au-delà de 17 heures. Depuis quelques années, certains ont lieu également entre midi et 14 heures. Devoirs surveillés, heures lycéennes, réunions des enseignants…finissent d’occuper les créneaux qui restent. Les activités socio-éducatives en sont donc fortement perturbées et même disparaissent dans certains établissements. Des enseignants ont renoncé à maintenir le fonctionnement régulier des clubs et s’orientent de plus en plus vers des activités ponctuelles. Nombreux sont aussi, ceux qui organisent deux réunions du club qu’ils animent, dans la semaine, identiques, pour permettre à tous les élèves intéressés de participer. Au lycée Vincent d’Indy à Aubenas, les élèves se réunissent une fois par mois, le samedi matin et en dehors du lycée ( au domicile de chacun, à tour de rôle ). Il faudrait y ajouter les difficultés de la communication interne à l’établissement, l’administration, les délégués, les professeurs principaux ne jouant pas toujours assez le rôle de relais.
La surcharge de travail des enseignants qui s’investissent, est un autreproblème. J.Peyrot, l’ancien président de l’A.P.H.G. écrivait dans la revue Historiens et Géographes : « Toutes les fois que la société se trouve confrontée à une image d’elle-même qui ne la satisfait pas…on se tourne vers l’Ecole…sans lui donner les moyens de mener à bien cette tâche » 278 . Selon lui, le Ministre se contente trop souvent de lancer des idées et de ne pas en prévoir les modalités d’application. En plus du travail dans les classes, le Ministère encourage les enseignants à participer à des activités périscolaires, leur demande d’animer des « journées ». Leur liste est évocatrice de l’ampleur de la tâche qu’il attend d’eux.
Il demande aussi un effort pédagogique, indispensable pour l’éducation au développement, avec la nécessité de s’adapter à de nouveaux cadres de travail ( TPE, IDD… ), qui se succèdent au gré des ministères, et à la pratique de l’interdisciplinarité…
L’efficacité, la réussite d’un enseignant est en partie fonction du temps consacré à ces activités. L’éducation au développement, quand elle se fait en dehors des heures de cours, ampute fortement le temps de loisirs ( « On ne peut pas s’investir « un peu » seulement, témoignent beaucoup d’enseignants ) et repose presque intégralement sur le bénévolat. Beaucoup d’enseignants se plaignent donc d’être débordés et disent qu’on leur en demande trop. A défaut de décharges, quelques heures supplémentaires leur ont été attribuées par ci, par là, mais c’est très irrégulier et inégal d’un établissement à l’autre. La formation qui leur faciliterait la tâche, n’est pas réellement assurée. En outre, ce travail se fait dans des conditions de plus en plus difficiles à cause de l’ambiance qui règne dans certains établissements. Les incivilités voire les violences font partie de la vie quotidienne de certains collèges ou lycées. Cela diminue la disponibilité des enseignants et focalise aussi les efforts d’éducation sur l’amélioration de l’ambiance au détriment d’autres thèmes. Les programmes d’E.C.J.S. sont souvent tirés dans ce sens. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’éducation au développement a su trouver sa place dans les établissements calmes.
Editorial de J.PEYROT dans la revue Historiens et Géographes.
Historiens et Géographes, N° 338, Décembre 1992.