Nous avons vu que, sur les principes, ils semblent réceptifs mais, selon certains témoignages, ils sont moins intéressés que leurs aînés et moins désireux de s’engager. Ils ont d’ailleurs l’impression de bien connaître le sujet grâce aux médias. Le repli sur l’individualisme qui est signalé pour la société en général, paraît également présent dans les établissements scolaires. Les élèves le justifient par l’impuissance à régler les problèmes et pour certains, par la représentation dévalorisante qu’ils ont de l’Afrique. Il s’y ajoute les dérapages de l’aide, les ambiguïtés de l’humanitaire en général. Des scandales comme celui de l’A.R.C., l’inquiétude devant l’argent mal employé, finissent de les détourner de s’informer mieux et d’agir. Cette tendance est encouragée dans certaines familles.
Participer à des activités humanitaires dans un cadre périscolaire demande un effort que certains n’ont pas envie de faire. Ils ont du mal à s’imposer une activité régulière. En outre, leur vie est hors de l’établissement : les clubs pâtissent du désir des élèves de s’en aller dès que leurs obligations scolaires sont remplies et si certains sont prêts à participer à des activités dans leur établissement, ils en attendent du plaisir et quand ils ne le trouvent pas, ils renoncent.
L’éducation au développement a été confrontée depuis les années 90 dans quelques établissements aux problèmes liés au port du voile islamique et au comportement de certaines jeunes filles qui refusent, pour des raisons officiellement religieuses, de suivre les règles de vie de leur établissement. « L’affaire » du voile et la médiatisation des incidents constituent, pour beaucoup d’élèves, une prise de contact brutal et ambiguë avec la diversité culturelle. En novembre 2003, 58 % des « 15-24 ans » seraient favorables à l’interdiction du port du voile ( 38 % chez les jeunes musulmans ) 279 . Cela crée chez les enseignants un véritable malaise que le vote récent d’une loi ne dissipera sans doute pas. Cette question ne sera pas traitée ici, car elle déborde largement le thème de cette étude et pose beaucoup d’autres problèmes comme celui de la laïcité, de la condition féminine…Mais elle a donné lieu dans certains établissements à une action de sensibilisation. Des questions d’actualité brûlantes, comme les conflits au Proche-Orient, peuvent aussi créer chez les élèves une ambiance passionnelle, voire des heurts entre jeunes de religions différentes et entre professeurs et élèves. Les résultats d’une enquête menée par l’APHG en 2003 280 , relatent un certain nombre d’incidents « en nombre limité mais à éliminer d’urgence », qui prouvent que l’éducation au développement, dans quelques établissements, est devenue une tâche difficile. Des enseignants se plaignent de ne plus pouvoir traiter, avec sérénité, de questions qui sont cependant au programme, telles que les questions religieuses, les problèmes de l'immigration, l'histoire de la colonisation, la coopération…Ces nouveaux comportements d’élèves ( et aussi de parents ) sont un obstacle majeur à l’éducation à la compréhension internationale et à la tolérance.
Enquête de la SOFRES, Les valeurs des jeunes, novembre 2003.
Cf. Historiens et Géographes, n° 384 ( octobre-novembre 2003 ).