Une éducation au développement qui évolue dans ses objectifs

Le terme « d’éducation au développement », utilisé depuis les années 80, soulève quelques réticences au début du XXI° siècle. Il paraît mal adapté et réducteur par rapport à l’évolution des conceptions. En outre, il ne dit pas grand chose aux non-initiés, il est souvent mal compris par les élèves et le public. Le milieu associatif et le milieu scolaire sont donc à la recherche d’un terme plus mobilisateur. La formule « l’éducation au développement et à la solidarité internationale » est utilisée. On lui préfère souvent « l’éducation à la citoyenneté internationale » ou E.C.I., qui se généralise dans les associations mais n’a pas encore été vraiment adoptée officiellement par l’Education nationale. Certains lui reprochent d’ailleurs de ne pas avoir de légitimité juridique : puisqu’il n’existe pas de structures politiques internationales, il ne peut pas exister une citoyenneté internationale. Elle a le mérite cependant d’être plus globale et de pouvoir intégrer d’autres aspects que le développement, même pris dans un sens large. Mais elle ne fait pas apparaître nommément le Sud.

Quel que soit le terme utilisé, les objectifs se précisent et les conceptions de l’éducation évoluent, à la lumière d’une réflexion engagée par des chercheurs, des associations, des enseignants, des clubs de réflexion. L’un de ces clubs, « Convictions » résume ainsi la situation 281  :

Après plusieurs décennies de progrès, « l’état du monde s’est amélioré…jamais l’humanité n’aura disposé d’autant de savoirs et de technologies qui favorisent les échanges et nous donnent…une capacité…historiquement inédite de maîtriser notre vie et notre environnement… ». Cependant, depuis 25 ans, l’horizon s’est assombri.

‘«  Nous avons d’abord éprouvé la fragilité de la mécanique de la croissance : chômage, exclusion, délitement social ont miné nos sociétés…Parallèlement, nous avons commencé à comprendre que nos sociétés de consommation et de gaspillage nous précipitent vers l’assèchement des ressources naturelles et la mise en péril d’éco-systèmes indispensables à la survie de notre espèce…Nous vivons au dessus de nos moyens…le tout dans un partage inégal des richesses ». Extraits du Manifeste du club de réflexion, « Convictions »

On pourrait y ajouter les risques, que font courir au monde, les violations des droits de l’Homme et des relations sociales et internationales reposant sur la violence. Il est primordial de poser les problèmes dans leur ensemble et avec toutes les composantes de la population mondiale. Le Sud doit donc y avoir sa place comme partenaire à part égale : la notion d’aide s’efface alors. On ne peut pas non plus aborder le Sud et les relations nord-sud isolément, car toute réflexion sur le développement du Sud inclut la prise en charge de l’ensemble des problèmes.

« Le développement durable » est actuellement la réponse globale à ces questions. Le terme est officialisé en 1987, par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Il sera repris en 1992 lors de la conférence de Rio. Le manifeste du club « Convictions » et le texte de lancement de la campagne : « Demain le Monde…le développement durable » en donnent une définition : « Au service de l’Homme, son but premier est l’égale dignité de toute personne humaine ». Il tend donc « à la réduction effective de la pauvreté et à un accès plus équitable aux biens publics globaux, notamment le savoir et la santé ». Le développement durable ménage aussi «  les ressources naturelles et les équilibres écologiques. Il se préoccupe d’assurer la survie…aux générations futures » en protégeant l’avenir de la planète. Il s’agit aussi de veiller au respect des droits politiques et sociaux dans le monde. Les producteurs des pays du Sud travaillent dans des conditions le plus souvent déplorables et sont victimes de l’effondrement des cours mondiaux : le droit à la parole, une législation du travail, notamment du travail des enfants, des droits syndicaux, le droit et le respect des cultures…deviennent des revendications prioritaires. La tâche est difficile parce qu’on manque d’indicateurs pour mesurer le respect de ces droits et de structures pour en sanctionner les atteintes. La notion de « développement durable » peut donc être un créneau porteur mais elle présente aussi une image brouillée actuellement. Elle a été reprise par les pouvoirs publics, dans beaucoup de pays, et par des grandes firmes aussi, avec des contenus forcément différents.

C’est dans ce cadre élargi, que s’inscrit actuellement « l’éducation au développement » dans les écoles. Il s’agit de faire connaître aux élèves les activités des hommes et des sociétés au niveau de notre planète, sous tous leurs aspects « économiques, sociaux, politiques, culturels, écologiques, scientifiques, éthiques », en faisant prendre conscience de leur complexité et de leur interdépendance et en pointant l’inégale répartition des richesses et ses causes. Aux yeux des enseignants les plus engagés, les déséquilibres sont tellement importants et la recherche de solutions tellement primordiale que toute la formation devrait tourner autour de l’éducation au développement ou à la citoyenneté internationale, car elle est fondamentale dans la préparation des jeunes à la vie. Elle permet d’aborder les questions qu’ils se posent, d’éclaircir des inquiétudes. Elle permet aussi de susciter, chez les jeunes, des comportements fondés sur des valeurs de solidarité et d’équité, de leur faire comprendre le pouvoir qu’a tout individu, en agissant dans son environnement immédiat, de transformer le monde. Elle peut être aussi un moyen de réaffirmer des valeurs indispensables sous peine de voir l’Ecole et la société déraper. Si l’on veut que la formation du citoyen soit une véritable éducation, elle ne peut pas « s’enseigner » au sens classique du terme. Cela suppose de remettre en cause, les programmes, les structures, l’organisation des établissements, le cloisonnement des disciplines…Il faut aussi réfléchir à la place des élèves dans les établissements. L’adhésion de toutes les parties prenantes du système éducatif est donc nécessaire pour faire évoluer les choses.

Notes
281.

Le club de réflexion, « Convictions », proche de la gauche, est issu du regroupement de plusieurs mouvements dont « Convaincre ». Il réfléchit sur l’avenir de nos sociétés et a crée un groupe de travail sur le développement durable. Il a lancé, en janvier 2002, un Manifeste pour le développement durable, signé par 150 personnalités politiques et syndicales. Il préconise une formation à la paix et à la non-violence, à tous les niveaux du système éducatif.