Une minorité plus agissante

Quelques témoignages signalent une plus grande mobilisation au tournant du siècle. Le directeur d’une Ecole supérieure de Grenoble mentionne le nouvel intérêt pour les relations Nord-Sud, qui semble se manifester parmi les étudiants. Un enseignant en classes préparatoires à HEC du lycée Champollion de Grenoble a coutume de demander à ses élèves, au début de l’année, de faire le compte-rendu de deux livres, lus récemment, sur l’économie et la société : de plus en plus d’élèves choisissent des ouvrages sur les P.E.D., notamment sur le commerce équitable. Encouragés, cet enseignant et quelques collègues du lycée L.Armand de Chambéry, ont organisé un colloque sur le développement durable, qui a drainé environ 200 étudiants. Les journaux locaux publient des articles sur des expériences tentées par les étudiants. Sur le campus de Grenoble, les associations humanitaires semblent plus nombreuses, au point qu’une réunion a été organisée pour essayer de les structurer. Comme par le passé, les étudiants africains semblent très absents de ces mouvements. L’Université reconnaît depuis peu de temps l’importance de ces questions et suscite ou répond à une demande de formation, qui paraît de plus en plus importante, en créant des DESS ayant un thème humanitaire et destinés à des étudiants qui souhaitent travailler dans un PED ou ici, dans un organisme de développement 288 .

Il est hasardeux et prématuré d’établir une relation directe entre ces signes de mobilisation et certains courants politiques récents, dans la mouvance de « l’alter mondialisme ». Ce qu’on peut constater actuellement, c’est que, dans beaucoup de cas sans doute, les motivations des jeunes sont avant tout un désir de lutter contre les inégalités par des actions humanitaires. Or ces courants de pensée ne semblent pas mettre les relations Nord-Sud au centre de leurs préoccupations. C’est un reproche qui leur est fait d’ailleurs par des associations qui souhaitent conserver leurs distances à cause de cela et qui tiennent aux liens qu’elles ont tissés avec les pays du Sud . A Chambéry par exemple, le mouvement « Attac » a essayé de contacter, sans succès, les étudiants de l’ESIGEC qui animent la section locale de « Ingénieurs sans frontières » et qui souhaitent limiter leurs actions à des projets dans le Tiers Monde.

Sans faire une analyse détaillée des mouvements de contestation actuels contre la mondialisation, il faut signaler néanmoins que « l’alter mondialisme », si son avenir est imprévisible, exerce actuellement une influence auprès de certains étudiants et donne à leur réflexion une dimension internationale, qui peut faire espérer un regain d’intérêt pour les pays du Sud. Il les attire parce qu’il est peu structuré et qu’il semble y régner une grande liberté. C’est une nébuleuse d’organisations, de mouvements très hétérogènes, sans structures verticales. Il pose aussi des problèmes qui préoccupent les jeunes. le Forum social européen, qui s’est tenu en 2003, a défini les 5 axes majeurs de ces courants : lutter pour la paix et l’ouverture au monde, contre l’expansion du néo-libéralisme, contre la logique du profit et pour la justice sociale, pour une Europe de l’éducation et de la culture, contre le racisme et la xénophobie. Mais au delà de ces déclarations de principe, les positions  sont complexes, diversifiées, évoluent sans cesse ( sur le rôle de l ‘OMC ou les méthodes d’action ). Quelques personnalités, plus ou moins charismatiques, maintiennent une sorte d’enthousiasme. J.Bové semble populaire sur les campus. « Quand il prend la parole…je frissonne » dit un étudiant. L’influence de ces nouveaux courants semble reconnue dans les Universités puisque les étudiants proposent et les enseignants acceptent des thèmes inédits tels que « les forums sociaux » pour un DEA par exemple.

Notes
288.

Cf. 3° partie : « L’enseignement supérieur ».