Faire contribuer l’enseignement agricole à la mise en place d’actions de coopération

Le Ministère ( et les enseignants impliqués ) ont conscience que l’agriculture est le secteur économique essentiel dans les pays du Sud, parce qu’il assure les besoins fondamentaux et qu’il peut jouer un rôle important dans l’émergence des P.E.D. L’enseignement agricole est donc particulièrement bien placé pour contribuer au développement de ces pays. Au départ, il s’agissait surtout de faciliter les transferts d’argent et de technologie pour leur permettre de « rattraper leur retard ». Rapidement, les conceptions évoluent, en particulier grâce à des ONG plus en avance dans la réflexion. Pour assurer la sécurité alimentaire et faire progresser l’agriculture, l’enseignement agricole privilégie de plus en plus la formation : formation de conseillers agricoles, professionnalisation des jeunes agriculteurs africains, dont les PED sont demandeurs.

Mais pour être efficaces, ces actions doivent répondre à certaines conditions. Elles doivent être menées d’abord en tenant compte de la politique de coopération de la France, elles supposent donc une concertation entre le Ministère de la Coopération ( et ces dernières années, le Ministère des Affaires étrangères dont dépend la coopération ), le Ministère de l’Agriculture 302 et la direction des Relations Internationales du Ministère de l’Education Nationale ( DRI ). Sur place une concertation est nécessaire avec les services des Ambassades de France à l’étranger. Cette politique officielle de coopération doit toujours avoir à l’esprit que « des décisions prises au Nord ( réforme de la PAC ,

négociations dans le cadre de l’OMC ou manipulations génétiques ) peuvent avoir des conséquences immédiates sur le développement voire la survie des pays du Sud » 303 .

La coopération doit répondre à des demandes au Sud ; c’est aux populations du Sud à définir le type de développement qu’elles ont choisi, en fonction de leurs besoins prioritaires, de leurs racines et de leurs traditions et des possibilités locales. Il faut veiller à ce que « les transferts soient judicieux et n’apportent pas plus de problèmes que de progrès dans des systèmes de valeurs différents des nôtres ». La France ne peut pas proposer de modèles car le contexte n’est pas le même ( la mécanisation et l’exode rural seraient catastrophiques en Afrique ), mais seulement des éléments pour permettre aux agriculteurs africains de s’organiser, de proposer des solutions et d’exercer une influence au niveau de leur pays. Le travail en réseaux est encouragé car il permet de confronter les points de vue et d’éviter certains dérapages.

Des relations fructueuses ne peuvent s’installer que si elles s’appuient sur un réel partenariat, qui se substitue à l’aide caritative. Il suppose réciprocité, responsabilités partagées et débouche sur la signature d’un contrat où chaque partenaire s’engage. Il faut donc s’éloigner de « ces élans humanitaires…qui permettent de cacher notre incompréhension derrière un chèque de bienfaisance et qui, hors urgence, ne font qu’aliéner un peu plus le Sud à ceux qui détiennent richesse, savoir et confort ». Pour les établissements d’enseignement agricole, l’action de coopération doit donc être précédée d’une éducation au développement, qui doit faire prendre conscience de notre interdépendance et d’une bonne connaissance du milieu économique et culturel dans lequel cette action va s’inscrire. Il faut donc prendre le temps de se connaître et accepter que les agriculteurs africains aient quelque chose aussi à apporter :

‘«  …Au moment où on reconnaît le rôle social des paysans, nos amis africains n’auraient-ils pas à nous expliquer comment ils ont résisté à la pression des projets d’experts qui ne voyaient en eux que des machines à produire ?…Pourraient-ils nous expliquer également comment ils sont très attentifs aux équilibres de leurs terroirs ? Peuvent-ils nous aider à rebâtir les solidarités qu’ils ont su préserver pendant que notre société déchirait son tissu social au nom d’une production génératrice de chômage, d’inégalités et d’exclusion ?… » Fr. Rossin, Conseil Général d’Agronomie « Plein Sud » avril 1999

Cette déclaration « officielle », dans une publication du Ministère de l’Agriculture, montre que la réflexion est poussée plus loin que dans beaucoup d’autres milieux. On n’exclut pas qu’on puisse mettre en place non seulement un échange sur les expériences et les questionnements de chacun mais aussi la recherche commune de solutions aux problèmes mondiaux. C’est alors qu’il y a une véritable réciprocité.

Notes
302.

DPEI : Direction de la politique économique et internationale.

303.

Cf. Plein Sud , l’enseignement agricole et les PED, Avril 1999.