Que ce soit pour mieux concrétiser l’éducation au développement ici ou pour mettre en route une action en Afrique, l’établissement de relations directes paraît souhaitable, sinon indispensable. Il débouche assez fréquemment sur un projet d’aide qui peut concerner tous les aspects du développement local mais qui touche très souvent, dans l’enseignement agricole, à la formation des agriculteurs. Les établissements agricoles cherchent à collaborer de préférence avec des centres de formation rurale ou des groupements d’agriculteurs déjà organisés. Le lycée Bellevue de St Marcellin ( 38 ) est en relation avec la cellule de coordination des communautés rurales du département de Bakel, au Sénégal par exemple. La collaboration entre plusieurs établissements, sur le même projet, est extrêmement rare, mais il y a quelques exemples de partenariat triangulaire : un établissement français et deux partenaires africains. Le même lycée de St Marcellin coopère avec un établissement de formation en économie sociale et familiale à Dakar, et des communautés rurales de l’arrondissement de Kidira dans le Sénégal Oriental qui ont des relations entre eux. Par manque de moyens financiers, ces actions sont souvent modestes : la moitié, au niveau national, ont un budget inférieur à 7600 euros ( 50.000 F ) et 1/5 , supérieur à 15.000 euros.
Beaucoup d’animateurs de projets sont très vigilants sur la qualité des partenariats et sur les conditions de la réussite : prendre le temps de se connaître et « d’établir la confiance » avant de se lancer dans une action de développement, considérer l’autre comme un véritable partenaire, en lui laissant élaborer son propre développement et en venant seulement en appui, analyser avec soin ce qui existe et la demande qui est faite…globalement éviter de faire des partenaires, des assistés. Cela n’élimine pas totalement les difficultés de relations avec les partenaires. Elles sont vécues différemment selon les cas, mais elles sont allées parfois jusqu’à une interruption des relations. Le manque de temps d’abord ne permet pas toujours d’établir un climat de confiance. Le partenaire français exerce parfois, souvent inconsciemment, des pressions sur les partenaires du Sud : à cause de l’envie d’aider et d’obtenir des résultats rapidement, il ne leur laisse pas toujours le temps de définir leur propre développement, ni les méthodes adaptées pour y parvenir et d’assumer les changements. La déception, ici, vient du fait que les choses n’avancent pas assez vite. La réciprocité des relations est également difficile à établir. Certains regrettent que des villages « se comportent en assistés » ou « mangent à plusieurs râteliers sans le dire » 310 . Ils attendent trop du partenaire français et manquent de moyens pour répondre à ses attentes. Ces rapports de dépendance polluent les relations. Du côté du Nord, des préjugés peuvent persister aussi, qui font penser que les autres n’ont rien à apporter. En outre les collectivités locales africaines ne sont pas assez intégrées dans les projets de développement. Certains enseignants vont plus loin encore et se posent des questions sur les effets de ces actions « atomisées », souvent différentes dans les contenus et les objectifs d’un partenariat à l’autre, au regard des enjeux du développement d’un même pays. Le rôle des réseaux géographiques est aussi de donner une certaine unité à ces initiatives et d’éviter les dérapages.
Les voyages et l’accueil d’étrangers sont des moments forts de la vie des établissements qui pratiquent la coopération internationale. Sont accueillis des enseignants et des élèves de centres de formation agricole, des membres d’ONG du sud et certains cadres administratifs. Ils viennent faire des stages en France qui peuvent durer plusieurs semaines et participent à l’éducation au développement ici en intervenant auprès des élèves. C’est le cas dans la Drôme et l’Ardèche, nous l’avons déjà vu. Certains viennent carrément se perfectionner en France et suivre des formations dans les établissements agricoles sur plusieurs années. Nous n’avons aucun chiffre pour l’Académie de Grenoble, mais au niveau national, un bilan a été fait en 1999 qui portait sur les 7 années précédentes : la France a accueilli en BTSA 550 étrangers dont 27 % de marocains, 12 % de sénégalais, 6 % de congolais, 5 % de tunisiens et 4 % d’algériens. Beaucoup plus souhaiteraient bénéficier de ces formations mais la moitié n’obtiennent pas de titre de séjour ou de bourse d’études.
Les établissements agricoles qui se sont investis dans la coopération nord-sud organisent très régulièrement des voyages chez leurs partenaires, auxquels participent élèves et adultes. Au début, le Ministère n’encourageait pas beaucoup ces déplacements mais une enquête nationale, menée en 1988 dans quelques établissements, montre que l’éducation au développement est plus efficace, quand les enseignants ont emmené des élèves dans le Sud. Le Ministère a donc commencé à les impulser, mais sans les financer. Le voyage est devenu une forme déterminante de l’éducation au développement, à condition de l’insérer dans une démarche à long terme. Ces voyages mêlent enquêtes, rencontres, travail en commun, souvent, élaboration ou suivi d’un projet de développement. Un élève témoigne « Au Burkina Faso, j’ai appris plus en quinze jours que pendant deux ans à l’école ». Ces voyages concernent des classes ou des groupes plus restreints d’élèves volontaires. Leur financement est assuré par les familles mais l’équivalent de 150 euros, en 2002, paraît être un seuil psychologique. Il vient s’y ajouter l’appel à des sponsors et des activités rémunératrices organisées par les participants : soirées, ventes, travaux à l’extérieur, au moment des vendanges par exemple, dont la multiplicité pose parfois des problèmes aux établissements.
Cf. Enquête officielle de septembre 2001.