Les relations Nord-Sud font partie de notre histoire. Ce sont les générations qui se forment actuellement dans les établissements scolaires qui devront affronter l’ensemble de ces problèmes. Si l’école ne peut naturellement rien faire toute seule, elle peut promouvoir une éducation qui favorise davantage la compréhension internationale et prépare les jeunes à les prendre en charge. Elle doit donc être une école qui s’engage. Il ne s’agit pas de la politiser mais de dénoncer l’inacceptable, en référence aux droits de l’Homme. Cela suppose des mutations importantes dans les contenus de l’enseignement et le fonctionnement du système éducatif. L. Legrand 321 encourage donc à repenser ou recentrer les objectifs de l’Education. Il insiste avec beaucoup de vigueur sur la nécessité d’envisager autrement l’acte éducatif et fait remarquer que ce qui fondera la réussite de la France dans le monde, c’est moins le succès de ses entreprises que l’efficacité de son enseignement et « la prise en compte par lui de la dimension internationale ». L’école doit donc former un citoyen, dans un cadre élargi au monde.
Jules Ferry, au XIX° siècle, avait fait de l’Instruction civique la matière noble de l’enseignement. Ne serait-il pas possible, à l’aube du XXI° siècle, de faire de l’éducation à la citoyenneté internationale et de l’ouverture aux autres pays, dont les pays du Sud, une priorité et sans renoncer naturellement à ce qui fait la richesse de la formation en France, d’orienter les objectifs de l’enseignement, les programmes, le fonctionnement du système autour de cette priorité ? Il s’agit, en fait, de mettre en phase le projet éducatif avec les enjeux socio-économiques et culturels du monde, d’élaborer, à tous les niveaux d’enseignement, à la place des efforts dispersés, une stratégie globale d’ouverture aux autres continents et d’accepter que « les objectifs de socialisation » 322 l’emportent sur ceux de la formation strictement intellectuelle. .
Il est difficile, pour un enseignant, d’accepter que le collège, le lycée, l’université où les jeunes vivent une grande partie de leur temps, ne soient que des lieux de passage, incontournables pour acquérir une formation, et non des « lieux de vie ». Il faudrait pouvoir leur donner cette dimension. Intégrer l’éducation à la citoyenneté internationale peut en être un des moyens. Mais il sera difficile de la mettre en route sans faire évoluer les structures des établissements et la pédagogie, sans remettre en cause les cadres stricts des disciplines et le cloisonnement des classes, sans réfléchir aussi à la place de l’élève dans un établissement scolaire et à la relation maître élève, sans ouvrir davantage encore les établissements aux évènements extérieurs. Les « clubs Solidarité », quel que soit le nom qu’on leur donne… structures que beaucoup disent « périmées », peuvent avoir encore de beaux jours devant eux et devenir vraiment des « laboratoires » d’un apprentissage de la prise de responsabilités. Leurs activités devront être mieux intégrées et mieux prises en compte dans le parcours des élèves.
Les moyens de la sensibilisation commencent aussi à être renouvelés. En ce qui concerne les relations nord-sud, l’aide au développement telle qu’elle a été pratiquée jusqu’à maintenant, a montré ses limites. Beaucoup d’enseignants et d’élèves ont pris conscience que les « micro-réalisations », en Afrique par exemple, si elles apportent un peu plus de bien-être, ne permettent pas de résoudre l’ensemble des problèmes du Sud, qui demandent des décisions à une autre échelle. Même si les relations nord-sud n’y ont pas la place qu’elles méritent, le succès des courants altermondialistes, chez certains étudiants notamment, montrent bien cette exigence de trouver des solutions au niveau mondial. Enseignants, élèves, étudiants sentent le besoin de s’orienter vers d’autres directions et commencent à réfléchir à d’autres stratégies. Les efforts pour promouvoir un commerce éthique vont dans ce sens. La mise en place de ces circuits « équitables » permet de faire de l’information sur les conditions de vie et de travail dans les pays du Sud, de lutter à la fois contre les atteintes aux droits de l’Homme et pour une amélioration de leur niveau de vie, qui ne soit pas de type caritatif mais la reconnaissance d’un travail. Elle valorise aussi notre pouvoir et nos responsabilités de consommateur.
En ce début de troisième millénaire, il est difficile de prévoir comment la présence de l’Afrique et l’éducation au développement vont évoluer et si le système éducatif se prépare à un tournant. Mais l’Ecole ne réussira pas toute seule à faire progresser la compréhension internationale, le soutien de la société est également indispensable : il faut prendre en compte les relations nord-sud dans notre réflexion sur l’avenir. Le cheminement risque donc d’être long et les problèmes du Sud de peser plus lourd que jamais sur l’équilibre du monde. L’Ecole a un rôle de tout premier plan à jouer. Si ses acteurs se mobilisent vraiment, elle peut être un lieu où se forgent les hommes et la qualité du monde de demain et où on doit pouvoir, selon le terme d’un enseignant, connaître « la magie du rêve de solidarité »...rêve qui nous rapproche de celui de Dom Helder Camara et qui peut donner un sens au travail et à la vie d’un « éducateur » 323 .
Cf. LEGRAND L., op. cit.
LEGRAND L., op.cit.
Cf citation de DOM HELDER CAMARA au début de cette étude.