Tous les films africains qui sortent, sont très vite programmés à Chambéry soit par la MJC 327 , soit par l’AMCC, soit par les cinémas d’Art et d’essai, soit par des associations. Ils ne passent pas par les circuits commerciaux. Les films de Sembène Ousmane sont les premiers à arriver en Savoie, avec « Le Mandat » en 1970, « Xala » en 1976, « Ceddo » en 1980. Le prix qu’obtient « Yelen » de Souleyman Cissé ( Mali ) dans un festival contribue à faire connaître le cinéma africain. Les films burkinabés, par la suite, seront particulièrement nombreux car les actions de développement de la Savoie se situent majoritairement au Burkina et parce que le Burkina s’est taillé une grande réputation sur le plan cinématographique. Il possède un cinéma productif ( « Yam Daabo », « Yaaba » du réalisateur Idrissa Ouedraogo …) et organise tous les deux ans un festival du film africain. Ces films mettent en scène l’Afrique des traditions et ses difficiles contacts avec la « modernité » et le milieu des villes. Ils dénoncent aussi le néo-colonialisme, la corruption des sociétés africaines et le drame de la misère pour le plus grand nombre 328 . La venue de nombre de réalisateurs à Chambéry vient appuyer cette diffusion du cinéma africain. Des séances sont systématiquement programmées, dans la journée, pour les scolaires.
Malgré ces efforts, le cinéma africain n’attire pas le grand public. Le rythme, les thèmes, la psychologie des personnages apparaissent souvent déroutants pour des spectateurs non-avertis. Il a la réputation d’être « un cinéma d’intellectuels cinéphiles ». Il draine moins de monde que des projections plus classiques. Un animateur de l’AMCC reconnaît que, même dans le public plus cultivé des ciné-clubs, les films africains « marchent » moins bien et que cela pose des problèmes financiers donc enlève une part de liberté dans le choix de la programmation. Et cependant des enseignants citent le cinéma africain comme une des sources de leur intérêt pour l’Afrique mais ils témoignent aussi qu’il faut beaucoup préparer les élèves pour qu’ils entrent dans l’univers des cinéastes africains. En général, les adolescents n’aiment pas ce cinéma, ils trouvent qu’il est lent, qu’il manque d’action par rapport à ce qu’ils ont l’habitude de voir à la télévision. La musique et la danse leur « parlent » davantage.
L’impact du cinéma, sur la pénétration de l’Afrique à l’école et sur l’éducation au développement, a donc été limité. Il n’a pas été étranger, au début de la période surtout, à la formation d’images stéréotypées de l’Afrique, qui ont encore du mal à disparaître. Par la suite, l’apparition de films européens, plus sensibles aux réalités africaines, et d’un cinéma africain, qui a du mal à se faire connaître d’un public plus clairsemé, n’a pas vraiment renversé la situation.
MJC : Maison des Jeunes et de la Culture.
Pour plus de détails, consulter Le cinéma africain, un continent à la recherche de son propre regard d’E.LEQUERET, Ed.Cahiers du cinéma/CNDP, 2003 ou Cinémas d’Afrique francophone et du Maghreb de D.BRAHIMI. Nathan, 1997.