- 2 - L’étalement urbain et l'émergence des mégapoles

Les villes en Asie du Sud-Est se développent rapidement au-de là de leurs limites initiales (McGee et Robinson, 1995), processus que connaissent les plus grandes villes mais maintenant les grandes villes secondaires comme Chiang Mai en Thaïlande, Bangdung en Indonésie, et Cebu aux Philippines. La croissance des régions métropolitaines s’oriente dans toutes les directions, le long des axes autoroutiers et des lignes ferroviaires principales partant des noyaux urbains centraux : les régions rurales périphériques se transforment en villes nouvelles, zones industrielles, zones résidentielles (McGee and Robinson 1995).

Les concepts de région métropolitaine élargie ou de desakota (zone ville-village en indonésien) désignent cette forme d'urbanisation basée sur la région qui paraît diamétralement opposée à l'urbanisation traditionnelle basée sur la ville. Ces grandes régions urbaines ont plusieurs composantes : 'le noyau ville', 'l'aire métropolitaine', et 'l'aire métropolitaine élargie', la dernière constituant la zone de mixité des activités agricoles et non agricoles. Selon McGee et Robinson (1995), les régions méga-urbaines peuvent suivre différents modèles de développement spatial. Il s'agit peut-être du modèle de la 'région métropolitaine élargie' qui est observé à Kuala Lumpur ou la 'région métropolitaine à forte densité' dont le grand Bangkok, Jabotabek et Metro Manila sont les bons exemples.

Comme dans les autres métropoles de l'Asie du Sud-Est, la surface urbanisée de Metro Manila a gagné sur les zones et provinces avoisinantes (vers Cavite et Laguna dans le sud, Rizal dans l'est, et Bulacan dans le nord). On prévoit que ces zones périphériques - la plupart dans la distance de déplacement journalier à Manille - hébergeront 12 millions de personnesen 2015 (World Bank, 2001). Cet effet de débordement est illustré par le fait que la population de Metro Manila a augmenté en moyenne de 1% par an entre 1980 et 1995 contre environ 5,6% pour sa périphérie (Uranza, 2002).

Ce phénomène peut résulter des efforts des autorités locales pour réduire la congestion (comme dans le cas de la ville de San Juan à Manille) et/ou la nouvelle politique d'attraction des investissements vers d'autres zones moins denses en vue d'en améliorer le développement des infrastructures (Mercado, 1998). En conséquence, Metro Manila devient une mégapole, qui atteint aujourd'hui 800 km², dépasse largement l'aire administrative de Metro Manila (636 Km²) avec une population actuelle de 16 millions d’habitants et une population future de 25 millions en 2015 selon les prévisions de la Banque mondiale (World Bank, 2001).

Le développement du Grand Bangkok se caractérise par la dispersion des lieux d'habitat et des activités commerciales grâce au développement des infrastructures routières. La ville s’étale vers l'est, le nord et le sud de manière anarchique en raison, en grande partie, de l'absence des outils de contrôle appropriés.3 Le Code d'urbanisme favorise généralement la construction vers les zones périphériques (PADECO, 2000).

Comme c'est le cas dans la plupart des mégapoles, la banlieue de Jakarta se développe plus vite que la ville elle-même. La plupart de cette expansion est due à la pression de la croissance démographique. D'ailleurs puisque la terre dans la zone centrale de la ville est chère, les immigrants doivent s'implanter en banlieue. La zone suburbaine de JABOTABEKs'étale jusqu'à la banlieue de la ville voisine de Bandung, créant une région urbaine qui s'étend sur 120 kilomètres de l'ouest à l'est et 200 kilomètres du nord au sud. Depuis 1955, la région métropolitaine de Jakarta s'est accrûe de plus de trois fois (WRI, 2000).

A Kuala Lumpur, la périphérisation des activités résidentielles et commerciales s’opère le long des routes principales. En même temps, les administrations centrales se délocalisent en banlieue et un nombre croissant de centres commerciaux et de parcs des affaires apparaissent dans les périphéries, le plus souvent à proximité des autoroutes et non rattachées au réseau ferroviaire urbain. La promotion immobilière participe largement à ce développement. On observe unebaisse de lamigration nette de 9.000 personnes par an pendant 1975-1980 à 5.000 personnes entre 1991 et 1997. Cette inversion de la situation est expliquée par la pénurie de logement de prix abordable à Kuala Lumpur. On se déplace en banlieue et dans les villes limitrophes où les logements sont moins chers (Gakenheimer, 2003).

Le développement de l'axe routier sur 50 km (Multimedia Super Corridor) qui relie l'Aéroport International de Kuala Lumpur au sud et Bukit Jalil au nord est le développement le plus important dans la Région Métropolitaine de Kuala Lumpur et aura un effet profond sur la croissance économique et donc la demande de mobilité. Une composante importante du MSC est le développement des "deux villes chics", Putrajaya et Cyberjaya. Putrajaya est le nouveau centre administratif pour le gouvernement fédéral de Malaisie. Cyberjaya contient des industries de multimédia, un centre de recherche et de développement, une université de multimédia, et le siège social des multinationales. L'autre ville à développer comme une partie du MSC est une “Ville Aéroport”. La population totale de Putrajaya et Cyberjaya est prévue à 500.000 personnes pour 2020. Cette sorte de développement contribue à étaler la ville et la rendre dépendante de l'automobile.

Notes
3.

La croissance démographique la plus rapide se produit en dehors de la limite des villes primaires ou secondaires comme le cas de la région côtière d'Est de la Thaïlande où l'investissement intensif a poussé la construction de logements et le développement industriel même avant que les services urbains de base ne soient mis en place. (Cities in transitionWorld Bank Urban and Local Government Strategy. World Bank, 2000)