- 1 - L’approche de Nas et Houweling

Nas et Houweling (2000), distinguent dans l’histoire urbaine des pays asiatiques trois grandes phases ou périodes : la phase précoloniale avec les villes qualifiées de traditionnelles; la période ultérieure par création de villes ou le développement de villes par les colonisateurs européens; enfin la période contemporaine marquée par d’autres formes d’urbanisation et l’émergence des mégapoles d'Asie du Sud-Est.

Pendant la période pré-coloniale, de nombreuses villes traditionnelles étaient de faible taille et avaient l’allure de gros villages, comme aux Philippines et en Nouvelle Guinée. Mais d’une manière générale les villes dans cette région reflétaient les hauts niveaux de civilisation atteints par ces pays. Les villes traditionnelles étaient situées soit sur le littoral, soit à l’intérieur du pays. On peut mentionner ici exemples de villes traditionnelles bien connues dans la région : Angkor, capitale de l'ancien Empire Khmer au Cambodge. Angkor était une ville d’intérieur qui vivait des activités agricoles environnantes. Sriwijaya, capitale du Royaume du même nom située près de Palembang, à Sumatra (Indonésie) était une ville côtière qui vivait de ses activités commerciales et des échanges avec l’extérieur.

Au début du processus de la colonisation par les Européens, des villes portuaires furent créées ou développées comme bases des activités commerciales, d’importation et d’exportation de produits vers les métropoles des pays colonisateurs. Dans ces villes où l’urbanisme colonial marqua son empreinte, coexistaient des zones d’habitat de type traditionnel avec les influences indiennes, arabes ou chinoises d’une part, les quartiers coloniaux européens avec une architecture importée d'autre part. A l’intérieur des pays, des villes de garnison étaient créées avec aussi une fonction commerciale mais surtout comme base d’extension de la colonisation et d’exploitation des ressources du pays. Plus tard, les villes côtières eurent aussi cette fonction. Batavia, aujourd’hui Jakarta, est une bonne illustration parmi d’autres, de la colonisation européenne dans cette région de l’Asie.5 En Chine, Shanghai est aussi un très bon exemple.

Au cours de la période d’industrialisation des pays colonisateurs, au 19ème siècle, les colonies furent des sources d’approvisionnement de matières premières minérales et agricoles; en même temps elles connurent une prospérité grâce aux échanges. Les villes coloniales étaient régulièrement dans une mesure importante orientées vers les intérêts des pays mères. Les villes portuaires coloniales étaient des comptoirs, fonctionnant comme intermédiaire entre leur arrière-pays et l'Europe. Ce modèle a jeté la base de l'urbanisation dépendante qui caractérisait ces villes à l'issue de la Deuxième Guerre Mondiale.

Nas et Houweling montrent ainsi que le processus d'urbanisation et la formation des mégapololes dans l’Asie du Sud-Est débutent à l'époque de la colonisation. Il s'agit d'un modèle exogène qui permet de comprendre la transition urbaine d'aujourd'hui dans les métropoles d'Asie du Sud-Est sous l'influence de plus en plus forte du phénomène de l'internationalisation et de la mondialisation.

Notes
5.

En 1619 les Néerlandais ont créé ce comptoir et fortification sur le site d'une ville portuaire locale importante. La ville était une copie conforme des villes hollandaises à l'époque avec des canaux, ponts à bascule, maisons de canal, etc. Un centre d'affaires commençait à émerger avec sièges de grandes entreprises, banques, firmes d'importation-exportation. Les Indonésiens vivaient à l'extérieur des murs de la ville de Batavia dans des kampung. Puis, le développement de Batavia était marqué par le processus de suburbanisation avec la contribution importante de Daendels, gouverneur général de 1808 à 1811. Le grand Batavia développait ainsi une structure dualiste composée du vieux centre et une banlieue.