Section 2.1  Brève histoire urbaine

- 1 - Le développement urbain pendant la période coloniale (1858-1954)

- a - Hanoï

Avant l'arrivée des Français, la ville aussi connue comme Thang Long qui existait depuis 1010 s'est essentiellement composé de la Citadelle et quelques temples26. Au 16ème siècle, ces derniers étaient entourés par un quartier de plus de 70 ha (Azambre, 1958) 27, dit le quartier des Trente-six rues (aujourd'hui appelé l'Ancien Quartier) correspondant chacune à une guilde de commerçants qui s'était spécialisée dans le commerce d'une marchandise. Au 17ème siècle, les commerçants ont été taxés selon la largeur des façades de magasin. On réagissait en construisant des bâtiments étroits qui se sont développés en des maisons tubes ou "compartiments" (appelé aussi maison magasin en vietnamien) trouvés dans le quartier des 36 rues.28 Grâce à des canaux étroits qui traversaient l'ancienne ville et reliaient les lacs éparpillés, l'usage de sampans permettait d'y transporter des marchandises à partir du Fleuve Rouge.

La prise de contrôle de la ville par les Français en 1888 pour en faire un centre administratif important puis son élévation au titre de capitale de l’Indochine en 1902 amenèrent Hanoï à acquérir peu à peu les diverses fonctions caractéristiques d’une ville occidentale : fonctions politique, économique, culturelle, etc. Outre l'Ancien Quartier qui préexistait, les premières constructions ont été entamées et considérées comme le noyau du développement futur.

Les portes de beaucoup de petits villages et les remparts entourant la Citadelle ont été démolies sous prétexte de créer plus d'espace.

Illustration 5 : Représentation schématique d'Hanoï
Illustration 5 : Représentation schématique d'Hanoï

Un plan en damier de grandes avenues à la française était mis en place au sud du lac Hoan Kiem au service d'un nouveau quartier appelé le Quartier Français. C'était une période de vandalisme par les Français qui ont détruit l'un des plus grands temples au bord du lac de Hoan Kiem pour céder la place à un bureau de poste, un hôtel de ville et d'autres bâtiments y compris l'Hôtel Métropole. Un Théâtre Municipal au style néo-baroque modelé sur l'Opéra Parisien qui aient le nombre de places plus important que le nombre de français résidents dans la ville était complétée en 1911 (Koperdraat, 1998: 32). Un réseau de tramway avec 4 lignes a été mis en service en 1899. Progressivement, la superficie de la ville s'est étendue par suite de ces activités de construction.

Peu de temps après le démarrage de ces projets grandioses, il y a eu un changement dans la manière dont les architectes et urbanistes travaillaient au Viêt-nam. Les conditions épouvantables créées par le colonialisme français en Indochine ont provoqué de fortes émotions en France et en 1909 la Chambre des députés ont ordonné aux autorités coloniales de prêter attention aux traditions et besoins culturels des habitants locaux. Un signe de nouveau respect pour la population indigène était l'incorporation croissante des motifs architecturaux locaux dans des bâtiments coloniaux. Dans tout le pays, les trésors et écoles étaient construits d'un style qui mélangeait l'architecture coloniale, les éléments de la conception française et les ornements locaux, notamment sur les toits. Le planificateur de la ville Ernest Hébrard a façonné une nouvelle "architecture indochinoise" à partir d'une mixité de styles japonais, indien, asiatique du Sud-Est et européen. Pourtant, Hanoï a préservé la plupart de son ambiance villageoise.

Illustration 6 : Une rue d'Hanoï pendant la période coloniale
Illustration 6 : Une rue d'Hanoï pendant la période coloniale

Ainsi la colonisation française s'est traduite par l’émergence d’une ville, au sens occidental, occupant un territoire plus restreint que celui occupé jusque là par la ville asiatique traditionnelle : tout au plus une dizaine de km². La population de la ville a augmenté rapidement - passant de 70 000 habitants en 1918 à 92 000 en 1926 puis à 182 000 en 1936 et à 200 000 en 1939; soit une croissance démographique soutenue caractérisée par un taux moyen d’accroissement annuel de 5,2% sur la période s’étendant entre les deux guerres mondiales (Ledent, 2002).

Dans les années 1920, l'utilisation de la bicyclette commence à se répandre avec des cycles Peugeot et les cyclopousses remplacent progressivement les pousse­-pousses à partir des années 1940. Au début des années 50, le réseau de tramways est resté identique et un réseau de bus doit apparaître dans la même période.

En 1942, vu le rayonnement grandissant qu’elle exerçait sur son arrière-pays immédiat, Hanoï s’est agrandi de nombreux villages avoisinants et s'est vu ainsi sa population portée à 300 000 habitants sur un territoire couvrant maintenant 130 km². Après une baisse temporaire due aux combats de 1946-1947 contre les forces françaises d’occupation, la population s'est mise à augmenter pour atteindre, sur un territoire légèrement élargi (152 km²), 530 000 habitants au moment du départ des Français en octobre 1954 (Ledent, 2002).

Notes
26.

Hanoï était alors une ville détentrice de l’autorité en harmonie avec le milieu rural d’origine. C’était donc un espace peu dense où pour les fins des échanges marchands la population était concentrée dans des villages et des hameaux de sorte que certains ont pu qualifier les divers quartiers de la Hanoï d’autrefois de "villages dans la ville" ou encore de "villages urbains". (Ledent, 2002).

27.

AZAMBRE G., 1958, "Les origines de Hà-Nôi", Bulletin de la Société des Études Indochinoises, Nouvelle Série, tome XXXIII, n° 3, 3e trimestre 1958, p. 261-300.

28.

Les façades des maisons construites à ce temps étaient similaires à celles des "maisons magasins" chinoises qui pouvaient alors être trouvées dans tous les centres de commerce de ville en Asie du Sud-Est et en Chine du Sud. Ces maisons ont normalement de 2,5 à 4 mètres de largeur mais une profondeur très importante, parfois de 100 mètres (Ginsburg 1955: 459).