- 4 - Le développement urbain depuis la politique du Renouveau en 1986

La conjonction de l'entrée des capitaux d’investissement étranger et des Viêt Kiêu (vietnamiens de l'étranger) et de l’afflux de migrants depuis 1986 se traduit par une série de transformations de l’espace urbain d'Hanoï : remodelage complet de la ville, extension généralisée de "l’activité commerciale […] aux quartiers de la ville coloniale, puis aux quartiers périphériques" (Taillard, 1995). Elle entraîne une vague de restructurations architecturales dans lesquelles la protection de l’environnement et l’aménagement des réseaux ont peine à trouver leur place. Hanoï se densifie par de nouvelles constructions en hauteur (3 à 5 étages), sur les anciens compartiments déjà occupés par de l’habitat précaire, ou par remblaiement des lacs naturels intra-urbains. Simultanément sont ouvertes de larges avenues, en particulier vers l’ouest, et de grands centres de services (bureaux, hôtels) s’édifient aux principaux carrefours.

Le gouvernement central ayant décidé, en matière de logements, d’abandonner sa politique de subvention en faveur d’une politique de vente aux locataires. Pour compenser le manque créé par le désengagement du Gouvernement dans la production de logement, il y a une explosion de production privée de logement. Cela est en grande partie expliqué par une pénurie de surface de logement qui a diminué de 2,3 mètres carrés en 1982 par personne à 1,2 en 1991 (Tonnesson, 2002). Une majorité des maisons construites à l'heure actuelle sont privées et sans permis de construire. D'après Evertsz (2000), les calculs du Département du Logement et du Cadastre d'Hanoï montrent une croissance de logements produits par les ressources privées de 70% à 84% entre 1991 et 1995. Elle a aussi ajouté que les estimations récentes montraient que 80% de toute la production de logement était faite sans respecter de réglementations ou faire des enregistrements. Les constructions ont lieu dans beaucoup d'endroits. Comme on veut toujours les maisons avec façade, la plupart des maisons qui suivent le même modèle de "compartiments" traditionnels longs et étroits à deux étages ou plus. L'espace privé s'étend partout sur la voie publique et il est normalement difficile de savoir où le trottoir finit et une maison commence.

La ville a commencé à déborder hors des quatre districts habituels. La croissance la plus voyante, celle des «nouveaux riches», s’observe autour du lac de l’Ouest (Hô Tây) : luxueuses villas, hôtels, étalage de bon et de mauvais goût. Ailleurs on construit à la place de friches industrielles, et surtout sur la rive gauche du fleuve, le long des sorties vers Haï Phong et autour de l’ancien aéroport. La périphérie d'Hanoï de plus en plus éloignée est caractérisée par la disparition des environnements ruraux et l'apparition d'une mixité de l'urbain et du rural. Cette extension a provoqué un changement de nomenclature administrative, des districts ruraux étant redécoupés et dotés d’un statut urbain (Pouyllau, 1998). Cette tendance est renforcée par la rareté du foncier. On a tendance à densifier ou à chercher plus loin des surfaces mieux adaptées.

A Hô Chi Minh Ville, les programmes de dépeuplement urbain et développement des nouvelles zones économiques n'ont pas réussi malgré la volonté incontestable du Gouvernement. Peu à peu,les gens déplacés ont regagné la ville. De nouveaux migrants originaires d'autres provinces ont aussi profité de ces mouvements pour entrer dans la ville. Sans abri, ils ont cherché à se loger là où il y avait un bout de terrain, même dans les cimetières. Les taudis sont de nouveau répandus. (Thai Thi Ngoc Du, 1991)

L'ouverture du pays sur le monde extérieur marquée par la libération économique et l'appel massif aux investissements étrangers a naturellement fait d'Hô Chi Minh Ville, l'ancienne capitale du Sud Viêt-nam un grand pôle d'attraction du pays. Cette politique du renouveau entraîne notamment une forte croissance économique mais aussi au sens négatif un accroissement des disparités ville-campagne et une augmentation des flux migratoires puisque le contrôle de l’immigration en ville est devenu beaucoup plus lâche. Les populations rurales sont à la recherche d’activités plus rémunératrices dans les grandes villes, et les courants migratoires convergent vers Hô Chi Minh Ville. Les statistiques ont montré qu'à partir de 1989, le solde migratoire a atteint des taux plus élevés que celui de l'accroissement naturel. En conséquence, Hô Chi Minh Ville a un taux d'accroissement annuel de plus de 3,5%. L'immigration a neutralisé les efforts de la planification familiale, qui a réussi à réduire le taux d'accroissement naturel à 1,6% par an. (THAI Thi Ngoc Du, 1996)

Dans de telles circonstances, l'urbanisation a repris à des rythmes accélérés et la ville commence à s'étendre dans toutes les directions. Pourtant, les taudis sont fondamentalement supprimés grâce à des programmes massifs d'assainissement de canaux entrepris par la Municipalité sur les crédits préférentiels des institutions financières internationales.

Comme à Hanoï, pendant cette période les constructions de maisons et des bâtiments commerciaux enregistrent une hausse sans précédent. L'exode rural a repris son rythme même plus rapide qu'avant. La plupart des constructions de maisons privées se dépassent de réglementation et de contrôle. Le modèle de maison préférée est le "compartiment" parce que tout le monde veut avoir un espace qui donne sur une rue pour faire le commerce. La ville se trouve désormais confronté à une pression de l'urbanisation rapide. La densité urbaine dans les districts urbains à Hô Chi Minh Ville et à Hanoï est parmi les plus élevées dans le monde avec 248 et 200 habitants par hectare respectivement en 2003.