- 1 - La tendance vers la décentralisation du gouvernement central

Au début des années 90, l'environnement politique est devenu plus orienté vers le développement avec le succès encourageant dans la libération de l'agriculture et du commerce. Le Vietnam est alors sorti de son isolement international. Mais même après le lancement de la politique du Renouveau, les vieilles politiques sont demeurées côte à côte avec les nouvelles, ce qui a créé un environnement confus et très incertain pour les organismes gouvernementaux et des établissements qui se chargent des questions de développement52. Il était toujours plus sûr pour un fonctionnaire de ne faire rien que de prendre une initiative audacieuse. Des décisions de gestion dans les entreprises publiques ont dû encore être passées par les ministères de tutelle, ce qui diminue le dynamisme ou l'efficacité des entreprises.

Particulièrement nuisible au renforcement institutionnel était l'absence d'un cadre juridique de prise de décision dans les ministères et les autres organismes gouvernementaux. Au début de la période de la réforme, il n'y avait pratiquement aucune loi qui a déterminé les responsabilités exactes des divers organismes gouvernementaux. La prise de décision a été censée être basée sur une pléthore de directives promulguées par les ministères, par le Gouvernement ou par le Président de la République. De telles directives ont été souvent publiées sans consultation inter-ministérielle, et le plus souvent en conflit les unes avec les autres. En l'absence d'une autorité légale suprême, les conflits ont été résolus par des négociations.

Le processus de parvenir à un consensus entre différents organismes gouvernementaux ou ministères dans l'administration vietnamienne est à la fois complexe et prend du temps, et en l'absence des lois et des règles claires ou la limite de budget les résultats de tels consensus sont imprévisibles. Avec la naissance de la Constitution de 1992 qui accorde un rôle législatif clair à l'Assemblée Nationale et la promulgation d'une série de lois sur des paramètres économiques fondamentaux comme la propriété foncière et les rôles et responsabilités des ministères et les services administratifs de province, le champ de telles négociations est progressivement remplacé par l'autorité de la loi.

En théorie au moins, l'administration vietnamienne est encore très centralisée, avec un degré d'autorité étonnamment concentré dans les mains du Premier Ministre (Banerjee & Spagat, 1991). Sa signature est exigée pour autoriser même un petit montant de dépenses pour des projets de développement, et les autorités locales ne peuvent pas par exemple transformer la terre de ferme en celle industrielle ou à d'autres usages sans son approbation. En pratique, il semble que les ministères ont utilisé le manque de clarté dans les règlements pour s'approprier une partie de l'autorité du Premier Ministre dans de nombreux domaines. Avec la réforme d'administration publique commençant dans le milieu des années 1990, le Gouvernement a exprimé un engagement ferme à la décentralisation, notamment aux autorités de province.

L'engagement à la décentralisation et la délégation de compétence et responsabilité en planification repose sur le principe que le niveau de gouvernement proche du développement et des ressources utilisées est le plus compétent à prendre des décisions de développement. C'est le niveau auquel on peut clairement voir ce qu'impliquent des options de développement en termes environnementaux. C'est aussi le niveau auquel on peut arriver à l'intégration entre les plans et les actions de différents secteurs.

Une Résolution a été adoptée par le Comité Central du Parti en juin 1997 a décidé que "en vue de développement de tous les secteurs et de l'économie nationale il est nécessaire de décentraliser clairement et raisonnablement des responsabilités et des compétences administratives afin de faciliter et accroître l'autonomie des gouvernements locaux, explorer tout potentiel de développement économique et social". Dans la ligne de cette résolution, le gouvernement a progressivement décentralisé : planification de développement, planification de programmes d'investissement dans les secteurs publics tels que l'éducation, soins médicaux, gestion des revenus et dépenses. Il est aussi décentralisé les responsabilités de gestion de l'environnement.

Ce qui est le plus important dans la décentralisation, c'est la décentralisation des plans de budget. La loi nouvellement adoptée sur le budget du Gouvernement détaille la décentralisation de la gestion de budget et des responsabilités des niveaux central et local. La loi délègue la compétence aux autorités locales de générer des recettes et planifier des dépenses pour une période de 3 à 5 ans53. Le Décret 91 promulgué en 2001 est encore plus décentralisant avec le transfert des compétences au Conseil populaire et au Comité populaire d'Hô Chi Minh Ville dans un éventail plus important de domaines comme :

  • Gestion de l'aménagement, de la planification, de l'investissement et du développement en matière économique et sociale;
  • Gestion des logements, des terrains et des infrastructures techniques;
  • Gestion du budget local;
  • Organisation du pouvoir local et gestion des fonctionnaires et agents publics.

Il est clair que le Comité Populaire de ville ou de province est tenu d'élaborer le schéma directeur de développement socio-économique, le schéma directeur de développement spatial et urbain et les zones d'habitat, les plans de développement de centres urbains et de zones industrielles dans leur ville ou province.

Pour décentraliser l'évaluation des propositions d'investissement et l'octroi de permis d'investissement, au cours de ces dernières années le gouvernement a délivré un certain nombre de décrets qui décentralisent le pouvoir aux ministères et gouvernements locaux d'évaluer des projets d'investissement et d'accorder des permis d'investissement. Les projets d'investissement peuvent se classer dans trois catégories avec groupes A, B, C selon le capital total investi et la nature du projet. Le Premier Ministre prend la décision pour les projets du groupe A, les ministres ou les présidents des Comités Populaires pour Groupe B et C respectivement (voir annexes pour en savoir plus).

Par rapport à d'autres pays dans la région, le Viêt-nam a jusque récemment eu une administration encore fortement centralisée. Les autorités municipales avaient des responsabilités limitées quant aux finances, à la planification et la décision d'investissement. Depuis la réforme des collectivités territoriales du 6 novembre 1996, 4 agglomérations ont été érigées au rang d'entités administratives autonomes de la catégorie I : Hanoï, Haiphong, Da Nang et Hô Chi Minh Ville. Elles possèdent leur budget propre, sont responsables de la fourniture des services publics, peuvent conclure des contrats avec des sociétés étrangères.

A l'heure actuelle, la tendance à la décentralisation se dessine plus nettement avec l'entrée en vigueur du Décret 91. Hanoï et Hô Chi Minh Ville peuvent avoir leurs propres réglementations plus souples qui ne vont pour autant pas à l'encontre des réglementations du Gouvernement central. En 2004, avec la mise au monde de trois nouvelles lois : la loi relative à l'organisation du gouvernement local, la loi foncière, et la loi de la construction (incluant le décret sur la planification), les deux villes ont été autorisées à retenir et disposer d'un pourcentage important de leurs recettes qu'elles perçoivent en plus d'une responsabilité plus grande de l'administration foncière.

Notes
52.

Fforde, A. and de Vylder, S., 1996, From Plan to Market: the Economic Transition in Vietnam, Westview Press, Boulder Col.

53.

selon le Décret 51/1998/CP du 18 juillet 1998