- 1 - La prise en compte de l'environnement dans la croissance économique

Le processus d'industrialisation s'accompagne d'une forte croissance urbaine, dont les conséquences environnementales échappent à tout contrôle de la part des pouvoirs publics. Pour faire face à cette situation, ces derniers commencent à corriger les écarts à la norme en intégrant progressivement les questions environnementales dans la planification et le développement urbain. Les agences et organismes chargés de l'environnement ont été créés et les documents réglementaires sur la protection de l'environnement ont été élaborés et appliqués.

En 1993, la loi sur la protection de l'environnement a été approuvée par l'Assemblée Nationale le 27 décembre 1993. Elle constitue un cadre réglementaire important pour les actions des municipalités. Une Agence Nationale pour l'Environnement (NEA) a aussi été créée la même année. Elle est rattachée directement au Ministère de la Science, de la Technologie, et de l'Environnement (MOSTE).58 Ce dernier est représenté au niveau provincial, par les Départements des Sciences, des Technologies, et de l'Environnement (DOSTE) sous la tutelle des comités populaires. Le département a la responsabilité de tout le secteur environnemental et sert de point de liaison de toutes les activités relatives à l'environnement. Il assure la coordination avec l'ensemble des ministères pour tout ce qui touche aux problèmes de l'environnement.

Toutes les instances ont pris conscience de préserver l'environnement tout en maintenant la croissance économique. Au niveau du gouvernement, la prise de conscience sur l'impact environnemental semble-t-il le plus élevée qu’à l'échelle locale. Dans un effort d'améliorer l'application de la loi, en 1995, le Premier Ministre a ordonné la démolition d'environ 200 villas de luxe illégalement construites sur la digue du fleuve Rouge de Hanoï. Un autre exemple est la construction de Golden Hotel, laquelle a dépassé la hauteur limite autorisée dans la zone du Lac Hoan Kiem. Les travaux ont être suspendus et la tour ramenée à la "bonne" hauteur (Dang, 1997). Dans un discours récent, le Premier Ministre Phan Van Khai a même averti tous les niveaux d'autorité en déclarant qu’"il coûte cher de favoriser la croissance économique au détriment de l'environnement".59

Pour renforcer les missions de protection de l'environnement et assurer un développement rural et urbain durable, le Ministère de la Construction a guidé l'élaboration du EIA (environmental impact assessment) ou de l'évaluation d'impact sur l'environnement pour tout projet de construction. Les études environnementales soigneuses et détaillées dans les projets de développement sont devenues une nécessité de plus en plus urgente. L'étude environnementale est réalisée de façon simultanée avec le processus de préparation de plans de développement urbain. C'est au maître d'ouvrage de présenter les recommandations de solutions et politiques pertinentes pour protéger l'environnement, de prévenir ou traiter la pollution environnementale.

La priorité est actuellement donnée aux travaux d'élaboration et d'interprétation des textes législatifs sur l'environnement afin de perfectionner la réglementation des municipalités en la matière. Dans "L'orientation générale de planification du développement urbain au Viêt-nam à l'horizon 2020" (Ministry of Construction, 1999), des villes petites et moyennes bien liées à la campagne plutôt que des mégapoles seront créées. Dans ce document, le Ministère de la Construction a aussi indiqué l'objectif de la soutenabilité des villes vietnamiennes : la conservation du patrimoine et la protection de l'environnement comme l'ont évoqué les questions 4.1 et 4.2.

Question 4.1 (p. 36) porte sur “la formulation du cadre pour la protection de la nature, et la poursuite du développement durable et l'équilibre écologique des villes”.

Question 4.2 (p. 37) exige que la planification des villes doive viser à la protection de l'environnement en villes.

Suite à la prise de conscience au niveau central, les grandes municipalités comme Hanoï et Hô Chi Minh Ville prennent aussi en compte la protection de l'environnement dans leurs politiques urbaines.

Dans leur planification urbaine, les autorités municipales d'Hô Chi Minh Ville par exemple commencent à réfléchir sur la préservation du patrimoine architectural et du paysage urbain.60 Elles savent bien que cette tâche s'avère d'autant plus ardue qu'elles se trouvent à présent face aux défis de l'internationalisation de l'économie mondiale. Mais elles sont aussi conscientes qu'un brassage culturel trop accéléré entraînera facilement l'uniformisation des styles architecturaux, au détriment de toute diversité en la matière. Comme l'ancien maire adjoint a remarqué : "pris dans l'engrenage de l'utilitarisme, du mercantilisme et du modernisme, les styles architecturaux tendent à se ressembler, faisant ainsi perdre leur originalité aux villes"61.

La réflexion sur la protection du patrimoine et de l'environnement avance encore avec la décision n° 28/QD-UB en date du 03 janvier 2002 du président du Comité Populaire relative à la création d'un comité de pilotage des délocalisations d'établissements de production dans les zones industrielles. Selon le programme, environ 1.300 entreprises polluantes seront délocalisées en dehors d'Hô Chi Minh Ville en 2005 et 2006. Au cours des 30 dernières années, aucune délocalisation de ce type n'a été réalisée. (NGUYEN Thien Nhan, 2004)62.

La Municipalité accorde des appuis aux délocalisations avec la mise en place d'un mécanisme de crédit destiné à cette tâche. Par exemple, les entreprises à délocaliser bénéficient des appuis financiers à raison de 3% à 9% des dépenses pour la délocalisation ou l'achat de nouveaux équipements. Si cette opération est menée à bien, l'environnement de la ville sera considérablement amélioré. "Il faut une vision lointaine pour prévenir les catastrophes environnementales lors de l'élaboration de politiques et il faut aussi des pénalisations financières rigoureuses. Ce n'est pas pour le développement économique que les générations présente et future de citadins sont embêtées." (NGUYEN Thien Nhan)63. Selon le comité de pilotage de délocalisation des établissements de production polluants, jusqu'à l'heure actuelle 532 établissements sur

1.235 ont délocalisé, changé d'activité, suspendu la production ou traité la pollution.

Hô Chi Minh Ville fait des efforts pour délocaliser des ateliers polluants dans les zones industriels en banlieue ou dans les provinces limitrophes. Quant à Hanoï, la conservation du patrimoine urbain et architectural figure parmi les priorités de son programme d'action.

La municipalité d'Hanoï est plus avancée en créant son comité de gestion de l'environnement, première agence de ce genre dans le pays. Depuis lors, la gestion étatique de l'environnement s'est vue renforcée, les investissements dans la protection de l'environnement ont augmenté, les travaux d'éducation et de sensibilisation à la protection de l'environnement auprès de la population sont pris au sérieux. Cela a suscité des changements en terme de prise de conscience et d'action chez toutes les couches de la population, notamment les jeunes en milieux scolaires, les investisseurs et les chefs d'entreprise. Les travaux de contrôle et de gestion de la pollution se sont renforcés. Les travaux d'évaluation des impacts environnementaux des projets d'investissement sont entrepris de manière rigoureuse, permettant ainsi de mieux lutter contre la pollution.

Notes
58.

Actuellement le MOSTE et le DOSTE sont renommés le Ministère des Ressources et de l'Environnement et le Département des Ressources et de l'Environnement respectivement.

59.

"Premier Ministre PHAN Van Khai : il coûte cher sacrifier l'environnement pour la croissance économique" www.sggp.org.vn du 23 avril 2005

60.

Cette réflexion aboutit à l'approbation de la stratégie sur l'environnement à l'horizon 2005 à travers la Décision 94/2002/QD-UB en date du 21 août 2002 du Comité Populaire d'Hô Chi Minh Ville.

61.

Communication de M. TRAN Thanh Long, adjoint au maire d'Hô Chi Minh Ville à la 18ème Assemblée générale de l'Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) sur le thème "Réhabilitation du centre des villes", Beyrouth, 31 mai et 1er juin 1998 http://www.aimf.asso.fr/pres/ag_beyrouth/inaugurale.html

62.

Selon l'entretien en ligne avec NGUYEN Thien Nhan, adjoint au maire d'Hô Chi Minh Ville sur le site de Vietnamnet www.vnn.vn le 22 janvier 2004

63.

Anh Thu, vice-président du Comité Populaire : "il faut de la prévoyance pour éviter une catastrophe environnementale" www.sggp.org.vn du 27 avril 2005