Section 6.2 La réglementation au Viêt-nam : leçons et durabilité de l'expérience en cours

Depuis l'ouverture du pays avec le Doi Moi, Hô Chi Minh Ville et Hanoï ne se consacrent qu'au développement économique dans l’espoir d’échapper à la pauvreté pour le présent. Il est normal qu'elles ne sont pas attentives aux autres problèmes posés par le développement urbain dont les problèmes du transport urbain. L'impact des problèmes de transports urbains était si faible que l'on ne l'a pas senti de façon claire. Progressivement, ces problèmes exercent un impact important. Au tournant du nouveau millénaire, l'un des casse-tête pour les responsables de la ville est l’urbanisation rapide avec en conséquence la densité des flux de la circulation urbaine. La congestion et l'insécurité routière deviennent un mot de bouche dans la vie de tous les jours.

La progression de la motorisation en deux-roues motorisés dans les deux villes a atteint un niveau très élevé à cause de la faiblesse du transport collectif d'une part et du manque des mesures drastiques pour la freiner d'autre part. Les dirigeants vietnamiens semblent partagés dans l'appréciation du phénomène de deux roues motorisés : ils y voient à la fois le signe d'un renouveau économique du pays et un facteur d'aggravation des problèmes de circulation. C'est pourquoi les politiques de restriction n'ont pas été clairement définies.

Pendant les années 90 au Viêt-nam la volonté de limitation du motocycle ne s'accompagne pas de mesures vraiment efficaces et dissuasives. Le coût d'usage d'un motocycle est très faible (Dorsch Consult, 1999). Le carburant n'est pas non seulement payé à son coût d'importation mais aussi subventionné par l'Etat. C'est un facteur important qui pousse l'usage du motocycle dans les deux villes jusqu'au niveau le plus élevé en Asie. D'ailleurs conduire un motocycle est très facile. Le permis de conduire n'est pas obligatoire pour les cylindrées inférieures à 50 centimètres cubes, ni le port du casque (voisin de zéro), ni l'interdiction de transporter plus de deux personnes, etc.

Comme nous l'avons indiqué dans le chapitre 2, beaucoup de facteurs expliquent l'usage massif du motocycle dans les grandes villes du Viêt-nam. Il faut mentionner le grand désir des vietnamiens pour le motocycle comme le désir pour une voiture particulière dans les pays développés. Cela explique pourquoi même avant le développement de l'industrie du motocycle et au moment où la taxation à l'importation des motos au Vietnam est passée de 6% auparavant à 40% en 1993 (auxquels s'ajoutent 6% de frais divers) les gens étaient disposés à payer pour avoir un motocycle. (X.Godard et al., 1993)

Depuis plusieurs années, des aménagements ont été entrepris afin d'améliorer dans la mesure du possible les conditions de circulation à moindre coût : par exemple avec la création de sens unique dans le quartier de Hoan Kiem à Hanoï, l'aménagement de voies réservées aux deux roues dans certains quartiers, l'interdiction d'accès aux poids lourds et aux véhicules lents de certaines rues à fort débit de trafic à Hô Chi Minh Ville. Ces mesures de régulation du trafic sont encore maintenues jusqu'à maintenant. Ensuite, avec la prise en compte partielle et adaptée à la situation grave du trafic et en fonction des objectifs du plan socio-économique local, les autorités municipales ont appliqué des mesures considérées "impopulaires". Les mesures restrictives récemment prises en matière de mobilité urbaine ont entamé un débat à l'Assemblée Nationale et ouvert la perspective de l'application des mesures draconiennes pour assurer la cohérence d'une politique globale de transports urbains.

En fait, les mesures de restriction ont été abordées en 1998 pour la première fois par le DUPWS d'Hô Chi Minh Ville en vue de créer un fonds pour le développement de transport public. Selon le plan, la source de financement en provenance des taxes et redevances sur les deux roues motorisés et voitures particulières représentait 70% d'une recette estimée à 160 milliards VND par an. Cependant, le Comité Populaire d'Hô Chi Minh Ville ne s'y est pas intéressé. D'une part il a craint que les habitants soient mécontents et d'autre part il a dû demander l'autorisation du Gouvernement central. Cet échec était aussi lié à la mauvaise préparation de la part de DUPWS. Si ce dernier avait bien préparé la campagne de sensibilisation et d'information, peut-être le Comité Populaire lui aurait donné le feu vert.