- b- Les enseignements pour le Viêt-nam des expériences de villes d'Asie du Sud-Est

De nombreuses de villes de pays riches d’Asie comme les Tokyo, Hong Kong, Séoul, Singapour ont réussi leurs systèmes de métro mais beaucoup d'autres ont également souffert d’un niveau de fréquentation décevant de leur métro, y compris les lignes récentes reliant l'aéroport et le centre ville à Hong Kong, Brisbane, Sydney, et Kuala Lumpur.

Alors que des villes "riches" peuvent subventionner leurs systèmes de métro lourd déficitaires, les projets de métro dans les villes à revenu plus faible dans la région Asie Pacifique se heurtent à des difficultés financières peu surmontables.

On peut distinguer, semble-t-il, deux variantes principales du modèle du développement urbain de métro lourd dans les villes à bas revenu en Asie.

Dans la première variante, les études achevées et les propositions ambitieuses des bureaux d'études ou des fournisseurs étrangers de matériels qui préconisent un système de métros souterrains ou métros légers aériens sont ultérieurement laissées pour compte en raison de coûts colossaux des investissements. La crise asiatique des années 90 est aussi passée par là. C'est ce que l’on observe pour des villes comme Jakarta, Hô Chi Minh Ville, Surabaya. Cependant ces projets de métro, même avortés ou sans lendemain nuisent au développement des systèmes de transport collectif alternatifs : ils continuent à préoccuper les décideurs politiques pendant des années et ils ralentissent ainsi le développement du BRT ou du métro léger. Jakarta par exemple a récemment mis en service un système BRT, mais quelques responsables continuent à s'accrocher à l'espoir qu'un métro souterrain peut voir le jour ultérieurement. L’idée selon laquelle le BRT n'est que le précurseur d’un métro souterrain peut amoindrir des efforts pour établir un système BRT (Fjellstrom, 2003).

Dans la deuxième variante, la réalisation des projets de métro lourd est en cours. Des villes très différentes sont dans ce cas de figure (Bangkok, Kuala Lumpur, Manille, Taipei etc.). Généralement un consortium se charge de financer le projet, et favorise avec dynamisme un plan de réalisation qui n'évalue jamais sérieusement des alternatives plus coût-efficaces et plus soutenables, sous-estime les coûts, et surestime la fréquentation. Une ligne de métro d'environ 20 km de longueur qui coûte plus d'un million de US$, et même beaucoup plus si les travaux sont en retard est finalement inaugurée en fanfare. Quelque temps plus tard, les autorités se trouvent confrontées à une réalité dure lorsque la fréquentation réelle est bien plus faible que celle prévue par des études projectives de trafic de passagers. Par conséquent, les pertes sont énormes, les opérateurs font faillite et leurs compagnies sont nationalisés.

Résultat final : l’Etat doit racheter des projets mal conçus et supporter le risque des prévisions trop optimistes de fréquentation. Ces projets deviennent une charge financière importante pour le pays et la ville, alors que ce système lourd n'arrive le plus souvent qu’à satisfaire une faible partie de la demande de mobilité de la population. A Kuala Lumpur, par exemple, les lignes de métro STAR, PUTRA et le monorail ensemble qui totalisent environ 65 km de rail représentent moins de 2,5% des voyages motorisés dans la ville, beaucoup moins que la part de service assuré par le système d'autobus négligé de la ville.

En raison de leur coût très élevé, les systèmes de transport sur rail de grande capacité sont inévitablement limités en longueur, donc ils satisfont seulement une petite fraction de toute la demande pour le transport en commun dans une ville. Skytrain de Bangkok par exemple assure une excellente qualité du service mais sa part de marché de transport tourne seulement autour 2,5% de tous les voyages en transport en commun dans la ville. La nouvelle ligne, The Blue Line, mise en service en septembre 2004, satisfait 1,5% de plus de la demande pour le transport en commun. Même si un programme excessivement coûteux d’un réseau de 100 km de rail est réalisé d'ici 2010 à Bangkok, il ne représentera au total probablement pas plus de 10% des voyages en transport en commun dans la ville. Le système d'autobus continuera à satisfaire environ 85% de tous les voyages en transport en commun.

Cependant, confrontés aux déficits d’exploitation croissants d’un système de métro, les gouvernements, souvent conseillés par un lobby de rail puissant, continuent à rêver d'un système ferroviaire considéré à tort comme une solution magique aux problèmes de transport urbain. Bangkok, par exemple, en mai 2003 a sorti un nouveau Schéma Directeur qui préconise un réseau de métros lourds de 100 km d'ici 2010. Le gouverneur a affirmé avec force et détermination : "quand l'extension du rail serait accomplie en 2009, les usagers de la route se reporteront sur le rail".165 En fait, l'expérience montre que seulement 10% des usagers de métro utilisaient avant la voiture. A moyen et long terme dans les villes en croissance rapide, seuls les systèmes de bus rapides en site propre (BRT) comme à Curitiba et plus récemment à Bogota ont ralenti ou renversé le déclin de la part relative du transport collectif par rapport à celle de la voiture particulière (Fjellstrom op.cit.)

Notes
165.

Cité par Karl Fjellstrom (2003)