- 2 - La prise en compte de la marche à pied par les pouvoirs publics

Bien que les autorités d'Hanoï et Hô Chi Minh Ville adoptent une politique assez sévère vis-à-vis du cyclopousse, elles ont une attitude positive à l'égard de la marche à pied et créent des conditions plus favorables pour promouvoir ce mode doux. Récemment, plusieurs améliorations ont été faites en faveur des piétons dans les deux villes.

Face à la croissance des accidents pour piétons, Hanoï et Hô Chi Minh Ville ont entrepris des premières mesures d'ordre technique en faveur de la marche à pied. A Hanoï, on a vu apparaître récemment dans le quartier de Hoan Kiem trois installations des feux pour piétons. Ces facilités sont installées sur les rues à forte densité de motocycles où il n'y a pas de feux de signalisation pour piétons.

Illustration 25 : Premiers feux pour piétons à Hanoï
Illustration 25 : Premiers feux pour piétons à Hanoï

A Hô Chi Minh Ville, depuis l'an 2000, le DUPWS d'Hô Chi Minh Ville a mis en service 18 feux pour piétons près d'écoles, hôpitaux, supermarchés. D'ailleurs la construction de 12 passerelles est mis sur agenda pour 2007. En 2003, trois premiers passerelles ont été mis en service. Cependant, selon le bilan fait par le Comité de la Sécurité de la circulation un an après la mise en service, très peu de piétons utilisent ces facilités parce qu'ils n'ont pas l'habitude.

Il est vrai que le niveau de conscience de la sécurité est très faible dans des villes en développement comme Hô Chi Minh Ville et Hanoï. De nombreux accidents impliquant des piétons se produisent lorsque ces derniers traversent une rue à leur convenance. Les passerelles et les feux pour piétons sont donc rendus inutiles du fait que les piétons veulent prendre un raccourci malgré que leur valeur de temps soit beaucoup plus faible que celle dans des pays développées.

La construction pour la première fois des passerelles à Hô Chi Minh Ville est une étape vers la prise en compte des piétons dans la politique des transports. Cependant, pour mettre des piétons vraiment en sécurité et utiliser efficacement des ressources publiques, il faut organiser des campagnes d'information et de sensibilisation des habitants accompagnées de lourdes sanctions. Les piétons doivent être obligés à prendre une passerelle s'il en existe pour traverser une rue. C'est là la faiblesse habituelle des organismes vietnamiens. Le Comité de la Sécurité de la circulation d'HCMV a dit qu'il lancerait une campagne de sensibilisation pour que les habitants utilisent les passerelles et les feux pour piétons. Espérons que l'utilisation de ces facilités sera une habitude quotidienne des habitants.

En parallèle à des actions en faveur de la marche à pied, les autorités ont appliqué une réglementation stricte pour reprendre les trottoirs pour piétons. En fait les autorités ont fait plusieurs fois des campagnes de libération du trottoir mais rien n'a aboutit. Après que les forces de l'ordre s'en vont, tout "revient à la normale". Il semblait alors que les autorités ont tacitement laissé passer cette question. Elles craignent implicitement qu'une attitude forte pour appliquer la libération du trottoir partout entraîne une baisse, même une suppression totale des activités commerciales qui contribuent à relancer l'économie de la ville.187

Maintenant la situation a changé. Les autorités semblent tranchées sur la question de la libération du trottoir. En mars 2003, les autorités d'Hanoï ont commencé une campagne de "reprendre le trottoir pour les piétons." Elles se montrent très déterminées comme le directeur du TUPWS l'a affirmé: "le rétablissement de l'ordre urbain est fixé par le Comité Populaire comme une deuxième priorité après le rétablissement de l'ordre de la circulation. Donc, à partir d'aujourd'hui nous sommes déterminés à supprimer tous les obstacles sur le trottoir et la chaussée…". A Hô Chi Minh Ville, le motocycle est interdit sur les trottoirs de 17 rues. Une amende de 60.000 VND est infligée pour le stationnement de motocycle sur le trottoir. Il n'en reste pas moins que les autorités réussiront à reprendre les trottoirs pour les piétons si elles font un bon travail de sensibilisation et d'imposition de sanctions lourdes.

Illustration 26 : L'occupation des trottoirs à Hanoï
Illustration 26 : L'occupation des trottoirs à Hanoï

Aussi dans l'optique de promotion de la marche à pied, Hanoï et Hô Chi Minh Ville pensent à la mise en place des rues piétonnes pour rendre la marche à pied plus attractive.

A Hanoï, une rue piétonne avait été expérimentée dans les années 90 mais l'expérience a été courte et sans lendemain pour des raisons peu connues de nous. Notre hypothèse est que les commerçants s'y sont opposés parce qu'ils craignent que la piétonisation des rues leur fasse perdre de la clientèle. Plus récemment une première rue piétonne a été mise en service à titre expérimental sur la rue Hàng Dào - Dông Xuân. A la différence du projet précédemment avorté, la première rue piétonne a reçu un accueil favorable. Le jour de son inauguration, les riverains pendent des drapeaux, lanternes vénitiennes, slogans de bienvenue comme s'ils marquent un événement important.188

Ce changement d'attitude chez les habitants n'est pas étonnant parce qu'ils ont pleinement conscience que la mise en rue piétonne dans un quartier d'affaires de Hoan Kiem leur apporte plus de gains que des pertes.189 Selon le maire de l'arrondissement de Hoan Kiem, le quartier de Hoan Kiem est bien connu pour ses aspects historiques, culturels et architecturaux. "Si une rue dans le centre d'affaires de Hoan Kiem est piétonnisée, elle attira plus de touristes étrangers et locaux. Les riverains l'acceptent parce qu'ils en profitent aussi." Un adjoint au maire d'Hanoï l'a affirmé en disant que la rue piétonne contribuera au développement des activités touristiques et commerciales, donnant une image d'une ville plus civilisée. Pour le présent, la rue piétonne est ouverte sur des périodes horaires données : de 19h30 à 24h pour l'été, de 18h30 à 24h pour l'hiver tous les vendredi, samedi et dimanche soirs. Pendant les heures de service de la rue piétonne, tous les modes de transport sont interdits, les riverains devant mettre leur véhicules dans leur maison.

Contrairement à sa ville sœur, Hô Chi Minh Ville n'avance pas son projet d'une rue piétonne. Le DUPWS a donné plusieurs raisons pour le retard comme la question d'entrée et sortie des véhicules de riverains, l'organisation de boutiques, de restaurants… A notre avis, la plus grande barrière est comment traiter la question d'entrée et de sortie de véhicules, surtout du motocycle des riverains. Un parcours de la presse vietnamienne semble mettre en évidence l'opposition des riverains pour cette raison. Un riverain, par exemple, a manifesté son désaccord en disant : "si la circulation de deux roues à moteur est interdite sur la rue piétonne, comment les riverains peuvent-ils avoir accès à leur véhicule sans marcher un kilomètre au parking?" Il ressort de cette opinion typique que l'habitude de s'accrocher à l'usage du motocycle et ne pas apprécier la marche à pied est la plus grande difficulté du projet.

Du côté des autorités, elles ne paraissent pas intéressées par la mise en rue piétonne. Un adjoint au maire a donné des explications très incompréhensives. "Ce qui compte, c'est quelles activités seront associées à la rue piétonne et c'est quoi l'intérêt de la rue piétonne pour les habitants d'Hô Chi Minh Ville ainsi que des touristes. Il ne suffit pas de boucler les deux bouts d'une rue et dresser un poteau de signalisation pour qu'elle devienne piétonnisée. Nous ne pouvons pas transposer un modèle entièrement étranger dans cette ville. Pour tirer des enseignements, notre ville va procéder étape par étape à titre expérimental sur quelques rues".

Il semble que les autorités d'Hô Chi Minh Ville n'attachent qu'un seul objectif à la création d'une rue piétonne : attirer des acheteurs, et des touristes étrangers. Et lorsqu'elles ne voient pas l'utilité dans cette optique, le projet doit attendre, même pourra être avorté. Depuis 2001 le même projet a été proposé au moins 10 fois pour la consultation de l'avis des parties concernées mais l'heure H est toujours reportée. Il y a des blocages de la part des organismes en charge ou de la part des habitants ? Certains journalistes se demandent de temps en temps "quand Hô Chi Minh Ville aura sa première rue piétonne" mais la question n'a pas de bonne réponse. Donc par rapport à Hanoï, Hô Chi Minh Ville n'a pas sa première rue piétonne mais on espère que le projet sera réalisé lorsque la municipalité manifestera une volonté politique forte comme à Hanoï et posera la question correcte sur l'utilité d'une rue piétonne.

Pour conclure ce chapitre, on peut dire que les transports non motorisés dans les deux villes vietnamiennes ont encore une place bien que modeste dans la politique de transports urbains. Avec l'aide des organismes internationaux190 et une prise de conscience de l'importance des transports non motorisés, les deux villes redonneront une place appropriée à ces modes doux favorables la qualité de l'air.

Au cours de ces dernières années, on voit apparaître une forme de complémentarité deux roues et transports collectifs à Hanoï et Hô Chi Minh Ville. Non seulement la concurrence entre le bus et les deux roues est réduite mais aussi les deux roues contribuent dans ce cas à développer le transport collectif. A l’avenir, les autorités municipales à Hanoï et Hô Chi Minh Ville, seront amenées à définir plus explicitement la part du vélo dans le système de déplacements d'Hanoï. La prise de conscience par les autorités des problèmes de sécurité routière pour des piétons dans le temps récent laisse présager un avenir de la bicyclette si celui-ci est intégré dans une politique d’ensemble de transports urbains.

Notes
187.

Il convient d'ouvrir une parenthèse ici. Au fond de la question de la marche à pied en rapport avec l'occupation du trottoir, on peut dire que c'est une question d'habitude assez longtemps ancrée pour être changé. Tout le monde se comporte de la même manière, ce qui fait que le rapport de force ne favorise pas la marche de pieds. Ce sont normalement les riverains d'une rue qui occupent la partie du trottoir devant leur maison pour en faire un lieu de commerce. Au cas où il n'utiliserait pas pour faire son propre commerce, il "vend" "son fonds de commerce" à un autre qui est normalement un petit commerçant venant d'ailleurs. Si au moins une moitié des riverains ne supportent pas le fait que l'occupation du trottoir devant leur maison pour le commerce provoque des ennuis comme le bruit par exemple, ils poussent sans doute les autorités à intervenir pour leur intérêt. L'occupation du trottoir n'est alors pas considérée comme une chose banale. Là l'intérêt économique et l'habitude d'utiliser le deux-roues à moteur priment sur l'agrément que la marche à pieds peut apporter. Les habitants sont habitués à utiliser le deux roues sans besoin de marcher et tirer des bénéfices de l'occupation du trottoir.

188.

Selon VnExpress du 01/10/2004 www.vnexpress.net

189.

Selon "la rue piétonne Hang Dao - Dong Xuan sera-t-elle faisable ?". VnExpress du 08/07/2004. www.vnexpress.net

190.

Un projet récemment co-financé par la Banque mondiale et le Global Environment Fund sur le développement du transport durable à Hanoï avec une composante visant au développement d'une stratégie d'encouragement et de maintien de l'usage de la bicyclette et de la marche à pied. GEF (2003) "Hanoï Urban Transport Development Project. Concept note for proposed GEF operation", 25 pp. www.gefweb.org