Le renouveau du transport collectif et le développement des modes lourds

Dans ce domaine, on observe un changement radical des attitudes de la part des pouvoirs publics. Alors que dans les années 90 on avançait des objectifs irréalistes en termes de répartition modale sans préciser les mesures à prendre pour y parvenir, on s’oriente à la fin des années 90 et depuis 2000 vers une démarche pragmatique, progressive avec des résultats probants sinon spectaculaires.

Le renouveau des transports collectifs depuis le début des années 2000 à Hanoi, et plus récemment à Ho Chi Minh avec la création de lignes pilotes, de systèmes tarifaires attractifs commence à mettre en brèche le quasi-monopole des deux roues dans la mobilité quotidienne. La réforme du transport collectif par autobus déclenché au cours des années récentes a petit à petit regagné la confiance des passagers. Ce renouveau du transport collectif par autobus à Hanoï est non seulement apprécié par les habitants locaux mais aussi par des experts étrangers qui ont l'occasion de prendre le bus.

Les enquêtes récemment réalisées tant à Hanoï qu’à Hô Chi Minh Ville montrent à l’évidence que le développement des transports collectifs est souhaité par la très grande majorité de la population. Selon ces enquêtes, un report des deux roues à moteur vers les transports collectifs est même envisageable pour des déplacements réguliers et à certaines conditions énoncées par les personnes enquêtées : ponctualité, absence de congestion pendant le trajet, minimum de confort dans des véhicules non bondés, etc. Les signes d'un transfert modal bien que modeste se dessine deux ans après la mise en œuvre des mesures restrictives de transport individuel doublées de l'augmentation du prix de carburants et le renouveau du transport collectif urbain.

Malgré des résultats spectaculaires en termes de fréquentation et d’extension des réseaux de bus, ce renouveau laisse en suspens un certain nombre de problèmes.

Les compétences du MOCPT d'Hô Chi Minh Ville et du TRAMOC d'Hanoï devraient être étendues pour qu’ils deviennent de réelles autorités organisatrices de transport urbain. L'autorité organisatrice doit prendre en considération l’intégralité du système de transport dans toutes ses dimensions. Par exemple elle devrait être compétente en matière de tarification des services de transport collectif, mais aussi de stationnement, de fixation des redevances d’usage des véhicules (au cas où le montant de cette redevance serait du ressort des municipalités et non de l’Etat).

Cette autorité organisatrice devrait pouvoir définir un cahier des charges plus strict pour les exploitants, d'imposer une couverture suffisante de l'agglomération urbaine en services de transport public par le tracé de lignes adéquat avec des aménagements de voirie donnant une priorité au transport public, une tarification coordonnée des différents systèmes de transport collectif et une complémentarité entre ces systèmes. Cette orientation serait consistante avec la politique globale des transports qui tend à réduire les subventions d’exploitation et à encourager l’entrée du secteur privé sur le marché par la concession de lignes.

Dans l'avenir, le développement prévisible de migrations alternantes avec la dédensification des quartiers centraux, la multiplication de zones industrielles en périphérie et la création de villes satellites auront de profondes répercussions sur la mobilité quotidienne des habitants de Hanoï et de Hô Chi Minh Ville. Le développement de réseaux de transport urbain et suburbain à grande capacité semble inévitable mais on se trouve confronté à un choix entre le métro lourd, le tramway ou le bus rapide en site propre. A certains égards, ces systèmes sont complémentaires mais on ne peut envisager leur développement simultané pour des raisons évidentes de coût

Il est difficile de dire quelle solution est meilleure mais il faut affirmer sans hésitation que le "tout rail" n’est pas réaliste car les transports par bus apportent une desserte plus fine dans le tissu urbain que le rail ne pourra jamais assurer. D'ailleurs, les projets de métro souterrain ou aérien avec trop de risques financiers et d'incertitudes sur leur fréquentation ne sont pas nécessairement une option rationnelle et réaliste pour Hanoï et Hô Chi Minh Ville dans les prochaines années. A plus long terme quand les capacités de financement des ville et de l’Etat seront supérieures, et la fréquentation des réseaux de transport collectif sera importante au fur et à mesure de l'application des mesures de limitation d'usage de mode transport individuel motorisé, les systèmes lourds seront envisageables.

Compte tenu de l’insuffisance de moyens financiers, seraient plus acceptable des alternatives moins onéreuses et plus souples dans leur mise en place, et susceptibles pour un budget limité de couvrir des secteurs beaucoup plus importants : le BRT et le métro léger par exemple.

Le système de transport à grande capacité pour les deux villes devrait passer par le bus en site propre, à l’instar de l’expérience de Bogota. Cette solution s'avère efficace et adaptée au contexte économique du Viêt-nam. Après avoir découragé l'usage des deux-roues motorisés avec les mesures "pricing" et encouragé le recours au transport par bus, il devrait alors être beaucoup plus facile de d’assurer la viabilité d'un transfert modal complet du système de transport de masse de type métro lourd. Sans un tel développement étape par étape, il y aurait un risque que l'introduction immédiate d'un système de transport de masse ferroviaire qui n'est pas soutenu par des tendances de fréquentation forte soit un fardeau pour les autorités vietnamiennes ainsi que les investisseurs potentiels avec une dette financière importante résultant de coûts d'opération et d'entretien intensif en capital lié aux systèmes ferroviaires.

Hanoï va bientôt entreprendre la construction d’un réseau de tramways et franchir les dernières étapes pour la mise en service de trois premières lignes de bus rapide en site propre alors que Hô Chi Minh Ville est toujours en attente d'un financement pour sa première ligne de métro. Un transfert modal possible vers le transport public faciliterait la circulation les usagers de transport individuel motorisé. Si ce sera le cas, il faut régler la question d'équité. La fluidité de trafic est sans doute attribuée à ce report modal vers le transport collectif. Il faut donc que les usagers de la voirie paient pour cet agrément. A terme, il faut mettre en place les comptes de transports pour sensibiliser les décideurs politiques à la prise en compte des coûts externes engendrés par le transport urbain. Ainsi, on peut espérer l'émergence d'une politique plus cohérente de transport urbain.