Processus explicatifs

Pour construire une représentation abstraite, il n’est pas nécessaire de comparer deux situations. Un schéma peut être construit à partir d’un seul exemple à travers la mise en œuvre de processus explicatifs (Figure 3). Une condition nécessaire semble alors être que le sujet possède assez de connaissances sur le domaine en jeu, qu'il puisse déjà en quelque sorte se référer à une « théorie » du domaine, même si celle-ci est incomplète. Cette approche, dite « approche basée sur l’explication » (EBL, « explanation-based-learning ») ou « généralisation justifiée » a été largement développée en intelligence artificielle (cf. DeJong et Mooney, 1986 ; Mitchell, Keller et Kedar-Cabelli, 1986 ; voir Ellman, 1989 pour une revue de question) et différents systèmes ont été conçus suivant ce principe. Ces systèmes s’appuient sur la « théorie » du domaine dont ils disposent afin d’expliquer en quoi l’exemple analysé est représentatif du domaine (ou du concept) étudié. Cette activité de recherche d’explication à propos d’un cas particulier enrichit en retour la théorie du domaine, en l’explicitant, en la rendant plus intelligible, ou plus générale. Elle conduit à des généralisations argumentées, ce qui évite a priori l’abstraction de traits non pertinents (qui pourraient être sélectionnés dans une approche purement inductive où seules des corrélations sont détectées).

Pour vérifier la validité psychologique de cette approche, Ahn, Brewer et Mooney (1992) ont mené plusieurs expérimentations. Dans ces études, les sujets doivent interpréter un texte présentant une situation particulière (une cérémonie supposée se dérouler dans une tribu indienne), en disposant ou non d’informations préalables (sur les règles régissant les relations entre les membres de la tribu). Les résultats montrent que lorsque les sujets disposent d’informations préalables, ils sont capables d’élaborer un schéma abstrait de la situation spécifique traitée, et de l’argumenter (l’un des tests utilisés par les auteurs consiste à demander aux sujets de juger de la véracité d’un certain nombre de propositions). On dispose cependant de très peu de résultats expérimentaux allant dans ce sens. Signalons la recherche de Brown et Kane (1988), menée auprès d’enfants de quatre ans, située dans ce même cadre de l’EBL. L’un des concepts étudiés est celui du mimétisme animal. On indique aux enfants le principe général du mimétisme, puis on leur présente comment un animal particulier peut se défendre, en ne commentant la situation qu’en des termes spécifiques (donc sans référence au principe général). Les enfants doivent ensuite résoudre un problème de transfert où ils doivent imaginer comment tel autre animal pourrait se défendre. Les résultats montrent que les enfants transfèrent mieux quand ils disposent du principe général que dans le cas contraire, mais ils montrent surtout que le transfert est facilité quand il est demandé aux enfants d’expliquer en quoi le cas particulier illustre le principe général.

Expliquer en quoi un exemple unique est représentatif des problèmes de sa classe facilite donc la construction d'un schéma (Brown et Kane, 1988) si l’apprenant peut s’appuyer sur une base de connaissances élémentaires déjà connues (Ahn, Brewer et Mooney, 1992).

Figure 3 : Schématisation de la généralisation issue de processus explicatifs