2.2.1. Diminuer la charge cognitive inutile (extraneous cognitive load)

Différentes études se sont attachées à identifier le mode de présentation du matériel et les activités à réaliser responsables d’une charge cognitive inutile. Dans cette section, nous décrivons ces différentes études ainsi que les différentes solutions proposées pour réduire ces sources de surcharge cognitive.

L’un des effets les plus simples mis en évidence par Sweller et al. (Sweller et Cooper, 1885 ; Cooper et Sweller, 1987 ; Ward et Sweller, 1990) concerne l’effet de l’analyse des exemples sur l’apprentissage. Ces auteurs ont montré que pour des sujets novices, la résolution de problèmes n’est pas l’activité la plus efficace pour améliorer les performances en résolution de problèmes (Cooper et Sweller, 1987 ; Sweller et Cooper, 1985). Dans ces études, les auteurs comparent des sujets qui résolvent des problèmes à des sujets qui étudient des problèmes résolus avant d’en résoudre d’autres. Ces études montrent que la résolution de problèmes est associée à des performances moins bonnes que l’étude des mêmes problèmes résolus. D’après la théorie de la charge cognitive, l’activité de résolution nécessiterait la mise en œuvre de différentes stratégies et la mobilisation de différentes connaissances pour trouver la résolution, ce qui pourrait entraîner une réduction des ressources disponibles pour la construction d’un schéma. L’étude de Paas et Van Mërrienboer (1994) soutient cette théorie. Les auteurs comparent des sujets qui analysent des problèmes à des sujets qui les résolvent et mesurent la charge cognitive perçue par les apprenants. Après chaque problème, les participants doivent indiquer l’effort mental perçu sur une échelle graduée de 1 à 9 (charge cognitive très très faible vs très très élevée). Un post-test permet ensuite de mesurer les progrès des apprenants. Comme attendu, l’analyse d’exemples conduit à plus de progrès que la résolution de problèmes. De plus, la charge cognitive perçue par les participants qui résolvent les problèmes est plus importante que la charge perçue lors de l’analyse d’exemples. L’analyse de problèmes résolus nécessiterait donc moins de ressources cognitives, ce qui libèrerait des ressources pour la construction de schémas. Ainsi, pour des sujets ayant peu de connaissances préalables, résoudre des problèmes semble provoquer une charge cognitive importante (cf. Paas et Van Merriënboer, 1994) qui peut nuire à l’apprentissage.

Pour remédier à cette difficulté, Sweller propose de présenter à l’apprenant des problèmes résolus à analyser (Cooper et Sweller, 1987 ; Ward et Sweller, 1990 ; Paas et Van Merriënboer, 1994). Une autre alternative peut être de proposer des problèmes à compléter (Paas, 1992 ; Van Merriënboer et Krammer, 1987). Ceux-ci donnent l’état initial du problème, le but à atteindre et une solution partielle qui doit être complétée par l’apprenant (Renkl, Atkinson et Maier, 2000 ; Renkl, Atkinson, Maier et Staley, 2002 ; Renkl et Atkinson, 2003 ; Renkl, Atkinson, et Große , 2004). Ces problèmes à compléter facilitent la transition entre l’étude des exemples et la résolution complète de problèmes et sont source de progrès.

Sweller et al. se sont également beaucoup intéressés à un second facteur : la présentation de plusieurs sources d’information simultanément. Chandler et Sweller (1991) ont montré que la présentation d’un schéma accompagné de texte pouvait conduire à une surcharge cognitive et nuire à l’apprentissage. Dans cette étude, des sujets qui étudiaient un document dans lequel différentes sources d’informations (texte, schémas) étaient dispersées (document conventionnel) (Figure 6) étaient comparés avec des sujets qui étudiaient un document dans lequel les mêmes sources d’information étaient intégrées (document intégré) (Figure 6). Les résultats montrent que les sujets ayant étudié un document intégré ont des performances supérieures aux sujets ayant étudié un document « conventionnel », même deux mois après l’étude du document. Lorsque les sujets étudient des sources d’information séparées, ils doivent partager leurs ressources cognitives entre ces différentes sources, ce qui diminue les ressources disponibles pour l’apprentissage : C‘est l’effet « d'attention partagée » (Split attention effect). Cependant, si les sources d’informations sont redondantes (Figure 6), c’est à dire si chacune d’elles est intelligible sans faire appel à l'autre, leur intégration n’améliore pas les performances des sujets (Redundancy effect) (Chandler et Sweller, 1991 ; voir Sweller, 1999, pour une revue de question ; Mayer, 2001 dans le domaine du multimédia). En revanche, la suppression de l’une d’elles diminue le temps consacré à l’étude du document et favorise l’apprentissage. Les auteurs parlent d'un effet de « redondance ».

Figure 6 : Documents présentés dans les formats « conventionnel » « intégré » et « redondant » qui décrivent la circulation du sang dans le coeur (Chandler et Sweller, 1991)

Ces différentes études montrent donc que les formats conventionnels de présentation du matériel pédagogique provoquent souvent une surcharge cognitive. Cependant, il est possible de diminuer cette charge cognitive inutile en proposant des exemples à analyser ou des problèmes à compléter (Tarmizi et Sweller, 1988 ; Ward et Sweller, 1990) et en modifiant le format de présentation : les différentes sources d’informations peuvent être intégrées (cf. Figure 7 pour un exemple) afin de réduire l’effet d’attention partagée ou l’une d’elle peut être supprimée afin d’éliminer les redondances (Chandler et Sweller, 1991 ; 1992 ; 1996 ; Mayer et Anderson 1991  Mayer et Moreno, 2003 ; Sweller, Chandler, Tierney, et Cooper, 1990).

Figure 7 : Présentation « intégrée » de la solution d’un problème de géométrie portant sur le calcul d’un point médian et de la pente d’une droite : les équations sont intégrées à la figure (Sweller, Chandler, Tierney, et Cooper, 1990)