Présenter la résolution des problèmes sous une forme modulaire

Gerjets, Scheiter et Catrambone (2004) proposent de réduire la charge cognitive intrinsèque non pas en dénaturant la tâche, mais en en présentant les exemples autrement : de façon modulaire plutôt que « molaire » (Figure 8).

Les exemples « molaires », traditionnellement utilisés, proposent d’abord une formule générale qui condense plusieurs étapes et qui représente la solution, puis implémentent cette formule pour le problème présenté. Ces exemples « molaires » (Figure 8) doivent aider l’apprenant à s’approprier cette formule et à connaître dans quelles situations la réutiliser. Ce format de présentation des exemples impose une forte charge cognitive intrinsèque (Gerjets, Scheiter et Catrambone, 2004). Pour pallier ce problème Gerjets, Scheiter et Catrambone (2004) proposent de présenter des exemples modulaires (Figure 8) dans lesquels les différentes étapes de la résolution sont décrites séquentiellement. De cette façon, chaque étape peut être comprise séparément des autres. Une étude a été menée avec des problèmes de calcul de probabilités complexes (Gerjets, Scheiter et Kleinbeck, sous presse cité dans Gersets et al., 2004). Dans ce domaine, calculer une probabilité d’un événement complexe consiste soit à appliquer une formule générique (exemples molaires) au problème posé, soit à décomposer le calcul de la probabilité complexe en plusieurs calculs simples de chaque événement individuel, puis à multiplier les probabilités des événements individuels (exemples modulaires).

Figure 8 : Problèmes résolus molaires et modulaires (traduction des problèmes proposés par Gerjets, Scheiter et Catrambone, 2004)
Aux jeux Olympiques, 7 coureurs participent à la course de 100 mètres.
Quelle est la probabilité d’estimer correctement le vainqueur des médailles d’or, d’argent et de bronze ?
Exemple molaire

Identifier les caractéristiques de la tâche
Ce problème est un arrangement (liste sans remise). Ce type de problème a deux caractéristiques importantes : l’ordre de sélection et la non remise des éléments sélectionnés. Nous ne sommes pas seulement intéressés par la manière dont 3 coureurs parmi 7 peuvent gagner une médaille, nous voulons connaître spécifiquement quel joueur gagne quelle médaille. C’est pourquoi l’ordre de sélection compte. Un coureur peut gagner au maximum une médaille. Ainsi, ce problème est sans remise, une fois qu’un coureur a gagné une médaille, il ne peut pas être à nouveau sélectionné.
Appliquer la formule
Pour ce type de problème la formule suivante doit être appliquée : A=n ! / (n-k) ! avec n, le nombre de coureurs et k le nombre de coureurs qui ont été correctement choisis.
Insérer les valeurs
Dans l’exemple proposé il y a 7 coureurs qui peuvent être choisis. C’est donc l’ensemble des éléments qui peuvent être sélectionnés (n=7). Comme nous voulons connaître la probabilité de choisir correctement les gagnants de la médaille d’or, d’argent et de bronze, 3 coureurs parmi 7 sont sélectionnés. Le nombre de coureurs sélectionnés est donc égal à 3. Insérons ces valeurs dans la formule correspondant à une répartition de type liste sans remise : 7 !/(7-3) ! = 210 arrangements possibles.
Calculer la probabilité
Pour calculer la probabilité d’identifier correctement les vainqueurs des trois médailles, on divise 1 (l’arrangement particulier qui nous intéresse) par le nombre d’arrangements possibles. Ainsi, la probabilité d’identifier cet arrangement (le gagnant de chacune des 3 médailles) est de 1/210.
Exemple modulaire

Trouver la probabilité du premier événement
Pour trouver la probabilité du premier événement, vous devez considérer le nombre de choix acceptables et l’ensemble des choix possibles. Le nombre de choix acceptable est 1 puisque un seul coureur peut gagner la médaille d’or. L’ensemble des choix possibles est 7 puisque 7 coureurs participent. La probabilité d’identifier le coureur gagnant de la médaille d’or est donc de 1/7.
Trouver la probabilité du second événement
Pour trouver la probabilité du second événement, vous devez considérer le nombre de choix acceptables et l’ensemble des choix possibles. Le nombre de choix acceptables est toujours 1 puisqu’un seul coureur peut gagner la médaille d’argent. L’ensemble des choix possibles est 6 puisque seuls 6 coureurs participants à la course sont encore éligibles pour gagner la médaille d’argent. La probabilité d’identifier le coureur gagnant de la médaille d’or est donc de 1/6.
Trouver la probabilité du troisième événement
Pour trouver la probabilité du troisième événement, vous devez considérer le nombre de choix acceptables et l’ensemble des choix possibles. Le nombre de choix acceptables est toujours 1 puisque un seul coureur peut gagner la médaille de bronze. L’ensemble des choix possibles est 5 puisque seuls 5 coureurs participants à la courses sont encore éligibles pour gagner la médaille de bronze. La probabilité d’identifier le coureur gagnant de la médaille d’or est donc de 1/5.
Calculer la probabilité totale
La probabilité totale est calculée en multipliant la probabilité de tous les événements singuliers. Ainsi, la probabilité d’identifier correctement les 3 gagnants des 3 médailles est :
1/7*1/6*1/5=1/210

Dans cette expérience, durant une phase d’apprentissage, un groupe étudie des exemples molaires tandis que l’autre groupe étudie des exemples modulaires. Les apprenants doivent ensuite résoudre différents problèmes transfert. Les résultats de cette étude montrent que l’analyse d’exemples modulaires est plus rapide, conduit à de meilleures performances en transfert, et impose une charge cognitive moins importante que l’analyse d’exemples molaires, ceci quelles que soient les connaissances préalables des sujets. La présentation modulaire semble donc permettre de réduire la charge cognitive intrinsèque. Cependant, cet effet semble très lié au domaine des probabilités ; il serait probablement intéressant de le répliquer dans d’autres domaines.

Ainsi, la charge cognitive intrinsèque à la tâche peut être manipulée soit en modifiant la tâche elle-même, en la découpant en séquences ou en la simplifiant, soit en présentant des exemples sous un format modulaire.

Les différentes études présentées ici identifient différentes sources de surcharge cognitive et montrent qu’il est possible de proposer des modes de présentation et des activités qui réduisent celle-ci et conduisent à une augmentation des performances. Mais est-il suffisant de réduire la charge cognitive pour favoriser l’apprentissage ? L’apprenant utilise-t-il automatiquement les ressources dont il dispose pour construire un schéma ? Et quels sont les processus que la charge cognitive disponible permet alors de mettre en œuvre ?

Comme le souligne Bannert (2002), la réduction des charges cognitives inutile et intrinsèque ne garantit pas que les ressources cognitives libérées soient bien allouées à l’acquisition de schéma plutôt qu’à des processus non pertinents pour l’apprentissage (Bannert, 2002). Il nous semble donc qu’un second niveau d’analyse, distinct des ressources en mémoire de travail, peut être distingué. Celui-ci est relatif aux conditions qui conduisent le sujet à utiliser ou non ses ressources cognitives pour construire des schémas.