Induction d’auto-explications

Plusieurs méthodes de natures différentes ont été développées dans le but d'induire l'activité d'auto-explication (Alaven et Koedinger, 2002 ; Bielaczyc, Pirolli et Brown, 1995 ;  Conati et Vanlhen, 1999 ; 2000 ; Chi et al., 1994 ; Neuman et Schwarz, 1998 ; Wong et al., 2002).

Bielaczyc, Pirolli et Brown (1995) entraînent des sujets, dans le cadre d'un cours de programmation, à l’utilisation des stratégies d’auto-explications mises en évidence par Chi et al (1989) (ce qui correspond au style basé sur les principes). Dans cette expérience, les auteurs comparent les performances de deux groupes de sujets qui reçoivent (groupe expérimental), ou non (groupe contrôle) un entraînement explicite aux stratégies d’auto-explications. Après trois cours d’introduction communs aux deux groupes, l’instructeur présente au groupe expérimental le principe et l'intérêt des procédures d’auto-explications, puis les applique sur des exemples concrets pendant deux séances. Ces sujets les appliquent ensuite eux-mêmes sur des exemples. Pour le groupe contrôle l’instructeur fait une intervention de même longueur en utilisant un matériel identique (manuel d’instruction, exemples, vidéo) mais sans faire référence aux stratégies d’auto-explications. Une dernière séance commune aux deux groupes permet d’évaluer leurs performances en programmation. Les résultats de cette recherche montrent que le groupe expérimental a davantage progressé que le groupe contrôle.

Si dans la recherche de Bielaczyc et al. (1995) les sujets ont un entraînement aux auto-explications qui demande beaucoup de temps (deux séances d’entraînement aux auto-explications), les mêmes résultats semblent pouvoir être obtenus plus rapidement (Stark, Mandl,Gruber et Renkl, 2002 ; Wong et al., 2002). Dans une recherche, Stark et al. (2002) proposent à un groupe d’apprenants un entraînement dans lequel l’expérimentateur sert de modèle pendant vingt minutes en s'auto-expliquant à haute voix un problème résolu, puis donne un feedback lorsque les apprenants produisent eux-mêmes des auto-explications. Un autre groupe d’apprenants (groupe contrôle) est exposé aux mêmes exemples sans instruction supplémentaire. Cet entraînement de vingt minutes aux auto-explications donne des effets sur l'apprentissage très positifs, les performances obtenues par ce groupe étant supérieures aux performances du groupe contrôle. Ces premières recherches sur les auto-explications ont tenté d'induire des auto-explications du style dit « basé sur les principes ». Comme l’a montré Renkl (1997), le style « anticipatif » conduit également à de bonnes performances. Stark (1999 ; décrit par Renkl, 2002) tente d’induire un raisonnement « anticipatif » en insérant des « blancs » dans des problèmes résolus. Les exemples sont présentés étape par étape, avec des éléments manquants dans le matériel étudié par le groupe expérimental. Après avoir complété les trous, le groupe expérimental reçoit un feedback sur la justesse des anticipations produites. Les résultats obtenus aux problèmes tests présentés ensuite montrent que le groupe expérimental obtient de meilleures performances que le groupe contrôle. La présentation séquentielle de problèmes à compléter limite la charge cognitive imposée aux sujets (cf. § 221) et supporte la mise en œuvre d’un raisonnement anticipatif.

Ainsi, ces différentes études indiquent d’abord que les auto-explications peuvent être produites par les apprenants qui étudient des exemples, mais qu'il existe des différences interindividuelles importantes. Seules certaines auto-explications sont associées à des gains en performances. Ces effets ont été montrés pour différents types de matériels (exemples résolus, problèmes à résoudre (Neuman et Schwarz, 1998), instructions textuelles (Bielaczyc et al., 1995)) et dans différents domaines (apprentissage de la programmation, résolution de problèmes, etc.). De plus, il est possible d’induire la production des styles d’auto-explications associés à de bonnes performances à travers un entraînement, mais aussi par une modification du format de présentation des exemples.

Par ailleurs, de notre point de vue, des liens peuvent être faits entre les styles d’auto-explications sources de progrès et certains processus d’apprentissage. On peut supposer que le style dit « basé sur les principes » correspond à la mise en œuvre de processus explicatifs, les mêmes activités étant décrites dans les travaux sur ce style d’auto-explications et sur les processus explicatifs. Par ailleurs, on peut supposer que le style dit « anticipatif » correspond à la mise en œuvre de détection de similitudes ou au stockage d’informations spécifiques sur la base d’attentes déçues. Reprendre les études sur les auto-explications avec un regard davantage tourné vers l'analyse des processus pourrait permettre de mieux comprendre comment les mécanismes d'apprentissage sont mis en œuvre.