3.2.3. Expérience 3 : saillance des traits de structure et généralisation des connaissances

Trois hypothèses ont été proposées pour expliquer le rôle de la saillance de l’élément important pour la résolution. La première hypothèse selon laquelle les erreurs induites par la version difficile augmentent la prise de conscience de l’existence d’une similarité entre source et cible est remise en cause. Les expériences 1 et 2 ne mettent pas en évidence le rôle des erreurs et montrent que la différence entre les deux groupes n’est pas due uniquement à une prise de conscience du lien entre source et cible.

Selon la seconde hypothèse (H2), la supériorité des performances du groupe ayant cherché à résoudre le problème difficile peut tenir à ce que les sujets mémorisent mieux la source et sa solution quand ils ont rencontré des difficultés. Notons toutefois que dans les expériences 1 et 2, les deux groupes ne se différencient pas lors de la tâche de rappel de la source qui succède à la résolution du problème cible.

Selon la troisième hypothèse (H3), la différence observée peut tenir à ce que des sujets qui rencontrent des difficultés en source lorsque la parité est peu saillante élaborent une représentation dans laquelle ce concept est intégré de manière plus abstraite (Needham et Begg, 1991). Il est à noter que si chacune de ces deux hypothèses peut expliquer seule les résultats, elle ne sont pas exclusives. La généralisation peut parfois s'accompagner d'une bonne mémorisation des traits de surface ; Reeves et Weisberg, 1994, parlent alors de généralisation « conservative » (voir aussi Marmèche et Didierjean, 2001).

Dans l'expérience 3, nous avons cherché à départager les hypothèses H2 et H3. Pour cela, nous avons testé le degré de généralisation de la représentation du rôle de la parité élaborée par les sujets à l'issue de l'analyse de la source, en leur proposant une tâche de catégorisation. Après avoir essayé de résoudre une des deux versions du problème du dîner, les sujets devaient catégoriser sans les résoudre différentes variantes du problème de l’échiquier tronqué, selon leur proximité avec le problème du dîner. Pour construire les variantes du problème de l'échiquier utilisées dans cette tâche de catégorisation, nous avons manipulé certains traits de surface (les cases retirées étaient des coins ou non) et certains traits de structure du problème (les cases retirées étaient de même couleur, ou non). La Figure 14 présente un exemple des différents échiquiers utilisés dans les problèmes donnés aux sujets.

Si la difficulté de la source influence le transfert en ce qu'elle permet l’élaboration d’une connaissance où la notion de parité est élaborée de manière abstraite (H3), les sujets ayant résolu la version « difficile » du dîner devraient catégoriser davantage les problèmes selon leurs traits de structure (2 cases de même couleur retirées) que les sujets ayant résolu la version « facile ». Si la difficulté de la source influence le transfert en ce qu'elle favorise la mémorisation et/ou la récupération de la source (H2), les performances devraient être équivalentes pour les deux groupes. En effet, quel que soit le niveau de mémorisation de la source, séparer les problèmes dont les deux cases retirées sont de même couleur de ceux dont les cases retirées ne sont pas de même couleur nécessite d’avoir compris que dans ce type de problème, la parité est un élément clé.

Figure 14 : Quelques exemples d’échiquiers utilisés pour la tâche de catégorisation