Chapitre 4 : Etude des effets conjugués de la tâche à réaliser et de la similarité entre problèmes sur les processus de généralisation

La revue de littérature présentée dans le chapitre 2 indique que des facteurs de différentes natures tels que les activités réalisées sur les problèmes (auto-explications, comparaison, adaptation), la manière de présenter les problèmes, ou leur degré de similarité, semblent influencer la mise en œuvre des différents processus de généralisation. Ces différents facteurs ne sont pas indépendants les uns des autres. L’activité réalisée sur les problèmes semble avoir une influence différente sur la généralisation suivant la similarité entre les problèmes et leur mode de présentation. Est-il possible de manipuler ces différents facteurs pour déclencher des processus d’apprentissage ?

Notre objectif est ici de tester les conditions de déclenchement des différents processus en prenant en compte les interactions éventuelles entre la tâche proposée et les similarités entre problèmes.

Dans ce chapitre, nous présentons d’abord deux études qui portent sur les interactions entre mode de présentation et similarité entre problèmes et sur les interactions entre la tâche à réaliser sur les problèmes et leur mode de présentation. Ensuite, nous décrirons l’expérience que nous avons réalisée afin d’étudier les effets de la tâche réalisée et de la similarité entre problèmes sur le déclenchement des processus de généralisation.

Ross et Kilbane (1997) réalisent une recherche qui vise à étudier les effets conjugués de deux facteurs impliqués dans l’apprentissage à partir d’exemples : le format de présentation (intégration ou non du principe théorique) et la similarité entre problèmes. Cette expérience montre que le degré de similitude entre problème source et problème cible interagit avec l’intégration ou non du principe théorique dans l’exemple. Dans cette étude, les chercheurs font varier le degré de similitude entre l’exemple et le problème à résoudre, et la manière dont le principe théorique est associé à l’exemple : soit le principe théorique est décrit et accompagné d’un exemple illustratif (énoncé et corrigé), soit il est incorporé à l’exemple sous la forme d’une explication très détaillée du passage de l’énoncé à la solution (Figure 15). Les résultats obtenus mettent en évidence un effet d’interaction entre intégration du principe théorique et similitude entre exemple et problème. Lorsque le principe est intégré à l’exemple, le problème est mieux résolu s’il a des traits de surface proches de l’exemple. A l’inverse, lorsque le principe est présenté à côté de l’exemple, le problème est mieux résolu si ses traits de surface sont différents de l’exemple.

Figure 15 : exemple de problème d’arrangement dans lequel le principe théorique est incorporé à l’exemple (Ross & Kilbane, 1997, traduit en français)

Bernardo (2001) s’inspire de l’étude de Ross et Kilbane (1997) pour étudier l’interaction entre la tâche réalisée par les apprenants et l’intégration ou non du principe théorique. L’expérience qu’il réalise est composée d’une phase d’apprentissage dans laquelle deux tâches différentes sont proposées puis d’une phase de test. Dans la première phase, la moitié des participants compare deux problèmes résolus tandis que l’autre moitié étudie un problème résolu puis construit un nouveau problème. Cette tâche consiste à inventer un énoncé de problème pouvant se résoudre de la même manière que l’exemple puis à essayer de le résoudre. Comme dans l’expérience de Ross et Kilbane (1997), deux types de problèmes résolus sont proposés : soit le principe théorique est décrit et accompagné d’un exemple illustratif (énoncé et corrigé), soit il est incorporé à l’exemple sous la forme d’une explication spécifique du passage de l’énoncé à la solution. Ensuite, dans une phase de test, les participants doivent résoudre plusieurs problèmes proches des problèmes résolus. Les résultats de cette expérience mettent en évidence un effet d’interaction entre la présentation du principe et la tâche réalisée par les participants. Lorsque le principe est incorporé, la construction de problème conduit à de meilleures performances que la comparaison de problèmes. A l’inverse, lorsque le principe accompagne l’exemple, les performances sont meilleures lorsque les problèmes sont comparés plutôt que lorsqu’un problème est construit.

Ces différentes études mettent donc en évidence des effets d’interaction entre format de présentation et similarité entre exemples ainsi qu’entre format de présentation et tâche réalisée par l’apprenant. Un troisième type d’effet à étudier concerne l’interaction entre similarités entre problèmes et tâche à réaliser.

Dans cette étude, nous nous intéressons donc à l’interaction entre tâche et similarité entre exemples. D’après la revue de littérature (cf. chapitre 2), lorsque deux exemples isomorphes sont fournis, si les apprenants les comparent il semble préférable que leurs traits de surface soient éloignés (Gick et Holyoak, 1983 ; Quillici et Mayer, 1996), tandis que si les apprenants tentent d'adapter le premier sur le deuxième, il semble préférable que leurs traits de surface soient proches (Ross, 1989 ; Ross et Kennedy, 1990). Cependant, ces différents effets ont été montrés dans des expériences indépendantes, l’interaction entre ces deux variables n’a, à notre connaissance, jamais été étudiée.

Notre objectif ici est de mettre en évidence une interaction entre tâche et similarité entre exemples, ceci afin d’identifier les conditions dans lesquelles les processus de détection de similitudes et d’adaptation sont mis en œuvre de façon efficace. Nous supposons que l’interaction entre la tâche réalisée par les apprenants et la similitude entre problèmes peut conduire à la mise en œuvre de différents processus de généralisation de connaissances, et ainsi favoriser l’efficacité des processus mis en œuvre.