4.4. Discussion

Selon nos hypothèses, comparer des problèmes dissimilaires devrait conduire à la mise en œuvre d’un processus de détection de similitudes tandis qu’adapter des problèmes similaires devrait conduire à une généralisation par adaptation. Nous nous attendions donc à ce que ces deux conditions soient associées à une meilleure résolution des problèmes tests ; mais les résultats obtenus dans cette expérience ne valident pas nos hypothèses. On n’observe pas de différences significatives entre les différentes conditions : le taux de réussite des problèmes tests est faible quelles soient les conditions et un grand nombre d’erreurs d’inversion ont été commises (76,5%).

Cette étude ne réplique donc pas les résultats obtenus dans les recherches menées précédemment. Ainsi, contrairement à ce que montre l’étude de Cummins (1992), la tâche de comparaison que nous avons proposé n’a pas semblé conduire à un traitement de haut niveau sur les problèmes. Si les participants ont noté que les problèmes avaient une structure identique, ils n’ont pas su décrire les points communs aux deux problèmes et identifier cette structure. Cependant, une différence entre notre étude et celle de Cummins (1992) réside dans la manière de demander aux participants de comparer : contrairement à nous, cette auteur pose des questions incitant à comparer des points précis des exemples.

Par ailleurs, contrairement aux études de Ross (Ross et Kennedy, 1990), lorsque les participants adaptent la solution du problème résolu pour résoudre un nouveau problème, les performances aux problèmes tests ne sont pas meilleures si les problèmes ont un habillage similaire. Si le matériel que nous avons utilisé était adapté des études de Ross, la procédure que nous avons proposé était différente ; ceci pourrait expliquer l’écart entre les résultats de ces deux études. En effet, dans les expériences de Ross (Ross, 1989 ; Ross et Kennedy, 1990 ; Ross et Kilbane, 1997), la phase d’apprentissage consistait à présenter un seul problème par principe. Un problème caractéristique de chaque principe était ensuite donné à résoudre. Durant la résolution, les participants ne pouvaient pas consulter les exemples présentés auparavant. La généralisation par adaptation observée lors de la résolution de problèmes tests dans une seconde phase (Ross et Kennedy (1990) a donc été mise en évidence dans une situation où les participants devaient se remémorer l’exemple avant de l’adapter. Dans notre expérience, dans la condition adaptation, les apprenants étudiaient un exemple puis résolvaient immédiatement le problème par adaptation en ayant la possibilité de consulter l’exemple (dans la phase d’apprentissage, les participants voyaient quatre problèmes par principe). Il est possible que lorsque le participant a la possibilité de consulter le problème source pour l’adapter, il adapte le problème source « terme à terme » sans avoir besoin de construire une connaissance plus générale. Se remémorer le problème source pourrait être une condition nécessaire à la généralisation par adaptation.

Une autre explication à ces résultats peut également être avancée. En effet, d’après l’étude réalisée par Didierjean (2003), une généralisation par adaptation n’aurait lieu que si l’apprenant met activement en œuvre un processus de généralisation. Dans cette étude, les participants construisent une connaissance générale qui leur permet de résoudre des problèmes dont les traits de surface sont dissimilaires uniquement si la consigne indique que les problèmes à résoudre sont des problèmes d’entraînement. Dans notre expérience, nous n’avons pas précisé que les problèmes à résoudre dans la première phase étaient des problèmes d’entraînement. Il est donc possible que l’absence de généralisation soit due au fait que les apprenants n’aient pas mis en œuvre de manière délibérée un processus de généralisation.

Enfin, il est possible que la variation du degré de similarité soit trop faible pour observer un véritable effet de ce facteur. En effet, Dans l’étude de Quillici et Mayer (1996), qui met en évidence l’intérêt de présenter des problèmes dissimilaires, les problèmes illustrant le même principe sont très différents les uns des autres : les informations contextuelles sont plus ou moins développées, et les informations pertinentes apparaissent sous des formes différentes (la structure syntaxique des énoncés et les mots utilisés sont différents). Se pose donc la question du choix des similarités de surface à faire varier.

Dans les énoncés que nous avons présentés, nous avons fait varié la similarité de surface en manipulant la nature des entités présentes dans l’énoncé. En effet, les études de Ross (Ross, 1987 ; 1989) montrent que les sujets utilisent spontanément ce trait lorsqu’ils résolvent un problème par analogie. Or, Bassok, Wu et Olseth (1995) montrent qu’un autre type de similarité orientent davantage le transfert analogique. Ils montrent que les sujets font des inférences sur les relations entre les entités présentes dans les énoncés en fonction de leurs connaissances sémantiques associées à la situation décrite. Ainsi, face aux problèmes d’arrangement que nous avons présentés, les sujets peuvent interpréter les relations entre entités comme « des receveurs reçoivent des artéfacts / des animaux ». Si cette interprétation peut faciliter la résolution de certains problèmes d’arrangement, elle peut aussi nuire à la résolution d’autres problèmes de ce type dans lesquels les relations sont inversée ou dans lesquels un objet est assigné à un autre objet.

Nous aurions donc sans doute obtenu des résultats différents si nous avions fait varier non seulement le type d’entité mais aussi le type de relation entre les entités présentes dans l’énoncé.

Plus généralement, il semble que l’identification des degrés de similarité à faire varier passe par une meilleure compréhension des similarités et des indices qui orientent la résolution de l’énoncé.