Chapitre 5 : Discussion de la première partie

5.1. Résumé

Comment faciliter l’apprentissage à partir d’exemples ? De nombreux facteurs ayant des effets positifs sur l’apprentissage à partir d’exemples ont été identifiés. Certaines activités réalisées sur les problèmes et certains modes de présentation semblent plus favorables que d'autres.

Ainsi, si la résolution de problèmes favorise l’apprentissage lorsque les sujets ont déjà des connaissances préalables, l’analyse de problèmes résolus semble favoriser davantage l’apprentissage lorsqu‘ils sont plus novices (Cooper et Sweller, 1987 ; Ward et Sweller, 1990 ; Paas et Van Mërrienboer, 1994). L’analyse de ces exemples est d’autant plus efficace si les sujets élaborent des auto-explications sur les exemples (Chi et al., 1989 ; Renkl, 1997, Bielaczyc, Pirolli et Brown, 1995 ; Neuman et Schwarz, 1998). Par ailleurs, la structuration du matériel (Gick et McGarry, 1992 ; Catrambone, 1995 ; 1996 ; 1998) tout comme l’habillage des problèmes présentés successivement peuvent influencer considérablement l’apprentissage. Si les études qui mettent en évidence ces effets présentent un grand intérêt d'un point de vu appliqué, elles avancent parfois des résultats qui semblent contradictoires et n’identifient pas toujours clairement les mécanismes cognitifs responsables de ces effets.

Une théorie explicative est toutefois avancée par Sweller et al.. Celui-ci interprète l’effet de certains facteurs en terme de coût cognitif. Certaines conditions imposeraient un coût cognitif trop important qui limiterait les ressources disponibles pour construire des connaissances. Une première manière de faciliter l’apprentissage consiste alors à réduire le coût cognitif imposé par la tâche et le matériel, afin d’augmenter les ressources disponibles pour construire des connaissances. Cependant, le fait de disposer des ressources nécessaires à la construction de connaissances abstraites ne garantit pas pour autant que le sujet les utilise dans ce but.

De notre point de vue, pour identifier les conditions qui facilitent l’apprentissage à partir d’exemples il est nécessaire de prendre en compte les processus de généralisation de connaissances et d’identifier les conditions qui favorisent la mise en œuvre de ces processus. Plus particulièrement, nous supposons que l’apprentissage à partir d’exemples peut être amélioré en déclenchant la mise en œuvre des processus de généralisation à travers la manipulation de certains facteurs (structuration du problème, similarité entre problèmes, activités sur les problèmes).

Suivant cette approche, nous avons d’abord procédé à une revue de littérature afin d’identifier différents facteurs qui semblent avoir un effet sur la mise en œuvre de processus de généralisation.

Nous avons ensuite réalisé deux études. La première étude avait pour but de montrer que le mode de présentation des exemples (et plus particulièrement la saillance des éléments pertinents pour la résolution) joue effectivement un rôle dans la généralisation de connaissances. La seconde étude avait pour objectif de montrer qu’il est possible de déclencher les processus de généralisation en manipulant différents facteurs identifiés dans la littérature.

La première étude portait sur le rôle sur la généralisation de connaissances de la saillance de l’élément important pour la résolution. Dans cette étude, nous nous sommes appuyés sur une recherche réalisée par Gick et McGarry (1992) qui montre que rendre peu saillants les traits de structure d’un problème source favorise la résolution d’un problème isomorphe. D’après ces auteurs, lorsque l’élément important pour la résolution est peu saillant, les sujets commettraient plus d’erreurs, ce qui faciliterait ensuite la prise de conscience du le lien entre la source et le problème cible. A travers 4 expériences, nous avons montré que cette hypothèse ne suffit pas à expliquer l’effet mis en évidence par Gick et McGarry. Nos résultats montrent que rendre peu saillants les éléments clé pour la résolution facilite la généralisation de connaissances. En effet, après avoir tenté de résoudre un problème source dont l’élément clé est peu saillant, les sujets construisent une représentation plus abstraite de ce concept central pour la résolution, ce qui augmente ensuite la réussite d’un problème isomorphe. Notre étude montre donc qu’une modification de la présentation d’un problème source peut conduire à construire une représentation plus abstraite de la solution source. Néanmoins, elle ne nous informe pas sur les processus mis en jeu. On peut avancé l’hypothèse, d’une mise en œuvre d’un processus explicatif lors de la lecture de la solution. Cette hypothèse reste à vérifier.

Dans une seconde étude, nous avons cherché à mieux identifier les conditions permettant de déclencher les processus de généralisation par détection de similitudes et par adaptation. D’après les données de la littérature, le processus de détection de similitude serait plus facilement mis en œuvre lorsqu’une tâche de comparaison entre deux problèmes résolus est demandée (Cummins, 1992) et si les problèmes ont des traits de surface éloignés (Gick et Holyoak, 1983 ; Bassok et Holyoak, 1989 ; Bassok, 1990 ; Quillici et Mayer, 1996, 2002). Par ailleurs, une généralisation par adaptation serait mise en œuvre lorsque les sujets adaptent la solution d’un problème source pour résoudre un problème cible si l’habillage des deux problèmes est similaire (Ross et Kennnedy, 1990). Nous avons donc fait varié la tâche demandée et la similarité entre problèmes afin d’étudier l’effet conjugué de ces deux facteurs sur la mise en œuvre de processus de généralisation. Dans l’expérience réalisée, les apprenants devaient soit comparer soit adapter deux paires de problèmes pour chacun des deux principes théoriques présentés. La généralisation de connaissances était évaluée lors d’un post-test. Dans toutes les conditions, les résultats obtenus sur le post-test ont été très faibles (20% de réussite en moyenne au post-test). Les sujets n’ont pas construit de connaissances suffisamment générales pour réussir le problème transfert. Nous avons proposé plusieurs explications à cette absence de généralisation. D’abord, les exemples proposés étaient peut-être trop similaires pour conduire à une généralisation par détection de similitudes. Par ailleurs, il est envisageable que la possibilité de consulter le problème source lors de l’adaptation ait limité la mise en œuvre d’une généralisation de connaissances par adaptation.

En résumé, la première étude montre que réduire la saillance de l’élément pertinent pour la résolution favorise la construction d’une connaissance plus générale. Même si nous n’avons testé qu’un facteur, cette étude permet de confirmer que certains facteurs liés au mode de présentation des exemples déclenchent la mise en œuvre de processus de généralisation.

Dans la seconde étude, la manipulation des facteurs identifiés dans la littérature n’a pas conduit au déclenchement de la mise en œuvre de processus de généralisation. Si cette seconde étude n’a pas permis pas de confirmer notre hypothèse, elle ne la remet pas en cause. Par ailleurs, elle met en évidence différentes questions qui restent à élucider pour mieux comprendre sur les conditions nécessaires au déclenchement des processus de généralisation.