6.1. Bref historique du domaine

Issu de l’enseignement programmé (voir par exemple Skinner, 1954, cité par Bruillard, 1997) le domaine de recherche des EIAH a beaucoup évolué en bénéficiant d’une part des idées et techniques développées en informatique (intelligence artificielle, hypertextes, réseaux) et d’autre part des recherches en sciences de l’éducation et en psychologie (cf. Bruillard, 1997 pour une présentation historique de ce domaine). Suivant le principe de l’enseignement programmé, l’ordinateur a d’abord été utilisé pour dispenser des cours prédécoupés. L’apprenant était alors orienté vers différentes parties du cours suivant ses réponses à des questionnaires dispensés après les différentes sections du cours. L’ordinateur est ensuite devenu plus qu’un support de cours. Avec le développement de l’enseignement assisté par ordinateur (EAO), les chercheurs ont à développé des systèmes destinés à guider l’instruction, en enregistrant les cheminements et les réponses de l’élève et en modifiant la stratégie d’apprentissage en fonction des réponses obtenues.

Avec l’intégration de l’Intelligence Artificielle (IA) à partir des années 70, le domaine a évolué et s’est développé sous le nom d’enseignement intelligemment assisté par ordinateur (EIAO). Les chercheurs ont alors cherché à développer des « tuteurs intelligents », des systèmes capables de tutorer l’apprenant en diagnostiquant ses erreurs, puis en lui proposant des explications adaptées. De tels systèmes doivent être « experts » du domaine, « experts » de la pédagogie, et posséder des connaissances sur les compétences et connaissances correctes et erronées des élèves. La conception de tels systèmes a fait émerger de nouvelles problématiques : comment modéliser les connaissances du domaine et les stratégies d’apprentissage ? Comment modéliser les connaissances et les compétences de l’apprenant ? Comment diagnostiquer ses actions et ses conceptions ? Quelles explications doivent être fournies à l’apprenant et sous quelle forme les présenter pour qu’elles lui permettent de progresser ? Bruillard (1997, chapitre 3) présente une synthèse des études ayant abordé ces questions.

Parallèlement à ces travaux, une autre approche radicalement différente s’est développée dans les années 70. Contrairement aux tuteurs intelligents, dans lesquels la machine contrôle l’interaction, cette approche propose de créer des environnements entièrement contrôlés par l’apprenant dans lesquels il peut exprimer ses idées et en explorer les conséquences, des micromondes. Pour que l’apprenant puisse prendre conscience des conséquences de ses actions, les rétroactions de l’environnement jouent un rôle central. Ces rétroactions peuvent être proposées sous forme langagière mais aussi sous forme graphique (par exemple à travers une modification de l’image affichée à l’écran). Le logiciel Logo (Papert, 1987), qui propose un apprentissage par la programmation, est sans doute le micromonde le plus célèbre. Cet environnement a rencontré un succès important et s’est largement diffusé avec l’essor des micro-ordinateurs. Il a fait l’objet de nombreuses évaluations (Bruillard, 1997, p.151-154 pour une synthèse). Il en ressort que l’utilisation de micromonde est très motivante pour les apprenants, et leur offre une liberté totale, mais, comme le souligne Balacheff (1994, a) « un micromonde offre un environnement riche, mais il ne peut par lui seul garantir un apprentissage donné ». Pour permettre à l’apprenant d’atteindre un but et d’apprendre par la découverte, il doit être soutenu, assisté dans son activité, soit par l’enseignant, soit par l’environnement lui-même.

Ces deux approches relèvent de deux visions différentes de l’éducation. Néanmoins, elles mettent toutes les deux en avant l’importance de l’interaction entre l’apprenant et le système et posent la question du contrôle de l’interaction et du guidage de l’activité.

Par la suite, le domaine a été renommé Environnements Interactifs d’Apprentissage avec ordinateur (Baron, Gras, et Nicaud, 1991) puis Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain. Les recherches se portent actuellement sur le partenariat entre l’homme et la machine : « il semble de plus en plus que l’intelligence est à trouver dans l’interaction entre l’usager et la machine » (Bruillard, 1997).

La notion d’EIAH recouvre actuellement une grande diversité de systèmes : les environnements support aux situations d’apprentissage de type tuteurs intelligents ou micromondes, mais aussi les environnements supports de pédagogie de projet, les outils de communication conçus pour favoriser les aspects pédagogiques de la collaboration, ou les navigateurs hypermédia conçus pour favoriser l’apprentissage, etc.