12.2. Rôle des théories et des données empiriques sur le fonctionnement cognitif pour la conception de ce projet ?

Dans l’introduction de cette partie, nous évoquions la nécessité de mieux comprendre les mécanismes d’apprentissage que possède l’apprenant afin de concevoir un EIAH en adéquation avec les besoins de l’apprenant. Mais quel rôle les théories et données empiriques sur le fonctionnement cognitif ont-elles réellement joué dans la conception du projet Ambre ?

Dans un premier temps, ces études nous ont amenées à mieux définir quelles activités et quels processus de généralisation l’apprenant devrait mettre en œuvre à chaque étape du cycle. Ensuite, nous avons cherché à préciser les conditions qui pourraient faciliter la mise en œuvre de ces processus en s’appuyant sur des données empiriques (présentées dans la partie 1). Nous avons ainsi produit différentes recommandations destinées à orienter la manière de présenter les problèmes résolus, les caractéristiques des exemples et des problèmes présentés, ou encore certaines consignes. Nous avons par ailleurs proposé des outils complémentaires pour faciliter la comparaison des problèmes et la mise en correspondance entre le problème-type choisi et le problème à résoudre.

Les recommandations proposées ont-elles eu l’effet attendu ?

Nous n’avons pas essayé d’évaluer l’effet des recommandations une par une. Néanmoins les différents résultats obtenus et les observations donnent quelques indications quant à la validité de certaines recommandations.

Par exemple, une première recommandation prescrivait de présenter les problèmes résolus de manière séquentielle afin d’inciter à mettre en œuvre un raisonnement anticipatif. D’après les observations faites en classe de CE1, la présentation séquentielle des problèmes-types a conduit certains apprenants à chercher la solution de l’étape suivante, et à mettre ainsi en œuvre un raisonnement anticipatif. Ce comportement a été moins fréquemment observé en CE2 ; les problèmes-types présentés, identiques à ceux présentés en CE1, étaient souvent considérés comme triviaux par les élèves. Une autre recommandation proposait de faire un bilan des problèmes-type déjà rencontrés afin d’inciter à les comparer. Lors de l’utilisation du logiciel, les apprenants ont accordé peu d’attention à ce bilan (temps moyen pour lire le bilan en CE2 : 25s). Dans l’étape de choix d’un problème-type, la consigne demandant de comparer le problème aux problème-types avant de choisir n’a pas été très suivie. Les apprenants lisaient peu les consignes (en raison de difficultés pour lire en CE1) et répondaient très rapidement en appariant la reformulation du problème à la reformulation du problème-type correspondant. En revanche l’outil destiné à faciliter la comparaison (en coloriant en vert les éléments communs au problème à résoudre et au problème sélectionné et en rouge les éléments différents) a effectivement facilité la comparaison des problèmes. Grâce à cet outil, les apprenants prenaient conscience du rôle de la place de l’inconnue et de l’opérateur dans le choix de la bonne reformulation. Par contre, dans l’étape d’adaptation, l’outil « coloré » devant faciliter l’appariement entre le problème-type et le problème dans l’étape d’adaptation n’a pas été utilisé. Lorsqu’il était activé par le système d’aide, la plupart des apprenants n’y prêtaient pas attention tandis que d’autres étaient perturbés par les couleurs. Les correspondances sous forme de couleur étaient sans doute trop compliquées et difficiles à comprendre. Même si ce type d’outil nous semble utile, il est en l’état difficilement utilisable par le public visé.

Cette évaluation indique des résultats mitigés. La plupart des recommandations visant à favoriser la comparaison entre les problèmes (le bilan, les consignes, l’outil coloré) n’ont pas eu l’effet attendu. Si les études théoriques montrent que la comparaison des problèmes favorise une détection de similitudes, nous avons eu des difficultés à proposer des activités médiées par le logiciel qui incitent efficacement l’apprenant à comparer les problèmes-types entre eux et le problème aux différents problèmes-types sans alourdir la résolution du problème. Par ailleurs, compte tenu du nombre d’activités et de possibilités de mettre en œuvre un processus de généralisation au cours des différentes étapes, il est possible que les apprenants ne cherchent pas à généraliser dans chaque étape, mais uniquement dans certaines activités proposées dans le cycle.

En outre, ces recommandations n’ont eu qu’un poids limité dans la conception. En effet, au cours de la conception, nous avons été confrontées à certains choix délicats pour lesquels les théories sur le fonctionnement cognitif ne pouvaient pas nous orienter. En effet, dans le projet Ambre si le principe est générique, les compétences et connaissances à acquérir sont directement dépendantes du domaine ; deux facteurs clés pour le bon fonctionnement du système, les explications et la reformulation, sont dépendants du domaine et ne sont pas définis par le principe général. Par exemple, le choix du niveau d’abstraction de la reformulation est guidé par des questions pratiques (comment représenter la reformulation dans l’interface pour qu’elle soit compréhensible, facilement construite, et réutilisable dans les étapes suivantes). Or le niveau d’abstraction de la reformulation est déterminant pour l’utilisation du logiciel, Si, comme dans le logiciel Ambre-add, la reformulation demande un haut niveau d’abstraction, les apprenants risquent d’avoir plus de difficultés et d’avoir besoin de plus de temps pour s’approprier la représentation de la reformulation, ce qui pourrait limiter l’impact du principe de Ambre sur l’apprentissage. Il est donc difficile d’évaluer la pertinence du principe général si des difficultés existent au niveau de la compréhension des explications et de la reformulation.

Ainsi, il semble que se centrer sur les processus apporte un certain nombre de réponses intéressantes mais ne soit pas suffisant, la prise en compte des connaissances étant également déterminante. Dans le logiciel Ambre-add, nous avons complété ce manque en nous appuyant sur des études en didactique des disciplines spécialisées dans les connaissances en jeu dans le domaine des problèmes additifs. Nous avons adapté le cycle Ambre et les différentes recommandations proposées au domaine de connaissances à acquérir, la résolution de problèmes additifs. Nous avons également travaillé en collaboration avec une conseillère pédagogique afin d’adapter le logiciel au public visé, les enfants de l’école primaire.