12.3. Quels enseignements tirer de ce travail pour le projet Ambre ?

Un objectif majeur du travail réalisé dans le cadre du projet Ambre était d’évaluer de l’impact du « cycle Ambre » sur l’apprentissage. Pour ce faire, le principe de Ambre a été implémenté dans le logiciel Ambre-add. L’évaluation comparative de Ambre-add réalisée en classe de CE1 n’a pas permis de mettre en évidence un impact du cycle Ambre sur l’apprentissage de la méthode. Cette expérience n’a donc pas permis de valider le principe de Ambre. Comme nous l’avons expliqué précédemment, ces résultats négatifs sont en partie dus à des problèmes méthodologiques. Néanmoins d’autres difficultés ont été mises en évidence. (1) Les apprenants ont des difficultés à reformuler le problème. (2) certains répondent par essai-erreur et ont des difficultés à s’impliquer dans l’activité. Par ailleurs, (3) les apprenants ont des difficultés à comprendre la signification des schémas et des messages d’explication.

(1) Si la difficulté de l’étape de reformulation peut être en partie expliquée par les difficultés de compréhension des schémas et du vocabulaire, on peut également être amené à s’interroger sur l’étape de reformulation elle-même. En effet, cette étape demande à l’apprenant de représenter autrement le problème en identifiant les éléments pertinents pour la résolution afin de faciliter la remémoration d’un problème de même catégorie que le problème à résoudre. Conformément à la conception classique du raisonnement par analogie, nous partageons la présuposition de Ross et Bradshaw (1994, p. 599, cité par Sander, 2000) selon laquelle « le problème (cible) est d’abord compris et l’accès à une source et à son utilisation se produisent ensuite, alors que les individus essayent de trouver la solution à ce problème compris ». Cette présupposition est cependant paradoxale : « si l’analogie permet de comprendre l’inconnu dans les termes du connu, il est paradoxal d’imposer en même temps que l’inconnu soit déjà compris et ce avant même la réalisation de l’analogie. » (Sander, 2000, p. 47). Il semble en effet paradoxal de demander à des apprenants de représenter le problème en ne prenant en compte que les traits pertinents pour la résolution alors que nous savons qu’ils ont des difficultés à modéliser ce type de problème. Ainsi, si les éléments d’interface et les messages d’explication prévus pour guider la construction de la reformulation ne sont pas compris, il n’est pas surprenant que les apprenants procèdent par essai-erreur sans comprendre les schémas. A l’inverse, si les apprenants construisent correctement la reformulation du problème, l’étape de choix d’un problème-type conduit simplement à se remémorer un cas source, sans conduire à une généralisation de connaissances. Ainsi, deux visions du raisonnement par analogie sont mises en évidence ici. Selon la première approche, le problème est d’abord compris puis un problème source est remémoré uniquement afin de s’en aider pour identifier la technique de résolution adaptée au problème permettant de le résoudre. Selon une seconde approche, c’est en se remémorant un problème source que l’apprenant devient à même d’identifier les éléments pertinents pour la résolution et de résoudre le problème.

(2) Par ailleurs, nous avons observé que certains apprenants répondent par essai-erreur. Ces comportements sont particulièrement visibles dans les étapes de choix d’un problème-type et de classement, où la tâche à réaliser pour passer à l’étape suivante est simple (sélection d’un élément dans un ensemble restreint) et peut être réalisée avec peu de réflexion. Si ces comportements relèvent sans doute d’un manque de motivation ou d’implication dans la tâche, il nous semble possible de les limiter en modifiant le diagnostic réalisé dans ces étapes. Si aucun diagnostic n’est réalisé sur l’étape de choix du problème, l’apprenant devra se rendre compte lui-même si le problème-type qu’il a choisi peut être adapté ou non pour trouver la solution du problème à résoudre. Dans l’étape de classement, on pourrait laisser l’apprenant construire son propre classement des problèmes, puis après avoir résolu plusieurs problèmes de différentes classes, on pourrait lui permettre de modifier ce classement, dans une étape consistant à réorganiser les groupes de problèmes construits. Ces deux propositions faisaient partie des recommandations faites avant le conception de Ambre-add. Cependant, elles ne nous ont pas paru adaptées au public visé par Ambre-add. Elles nous semblent cependant toujours pertinentes et il serait intéressant de tester d’intégrer ces propositions à la conception d’un EIAH Ambre destiné à un public moins jeune.

(3) Nous avons vu précédemment que les apprenants ont également des difficultés à comprendre les schémas, le vocabulaire utilisé dans l’interface et certaines explications proposées. Ces différents aspects sont dépendants du domaine d’application du logiciel. Ces limites sont-elles liées au domaine ou sont-elles liées au principe du projet ?

Il est en effet à noter que, dans le domaine des problèmes additifs, la classification des problèmes sur laquelle nous nous appuyons présente certaines limites : de plus en plus d’études viennent remettre en cause cette classification en identifiants de nombreuses sources de difficultés qu’elle ne prend pas en compte. De plus, suivant cette classification, une même équation peut être associée à deux classes de problèmes différentes. Ainsi, si ces classes de problèmes présentent un réel intérêt aux premières étapes de l’apprentissage en ce qu’elles aident l’apprenant à se représenter correctement le problème, quand l’apprentissage est plus avancé, elles présentent un intérêt plus limité.

A ce stade du projet, il nous semble important de tester à nouveau l’impact du logiciel sur l’apprentissage auprès d’apprenants ayant d’autres caractéristiques et de concevoir un EIAH selon ce même principe dans un autre domaine. Nous pourrions ainsi préciser quelles sont les difficultés spécifiques au public ou au domaine, et quelles sont celles qui sont liées au projet.

Ceci nous amène donc à préciser ce que serait un bon domaine d’application pour le projet Ambre. Tout d’abord, le domaine applicatif choisi doit comporter des problèmes bien définis que les apprenants ont du mal à modéliser. De plus, une classification de problèmes doit exister, avec une technique de résolution associée à chaque classe de problèmes. Les techniques de résolution doivent être bien différenciées et spécifiques à chaque classe. Enfin, les utilisateurs à qui est destiné le logiciel doivent avoir de bonnes capacités de lecture et de compréhension de consignes.

La conception d’un EIAH d’après le principe de Ambre nécessite une collaboration avec des experts de l’enseignement du domaine afin de préciser la manière de reformuler les problèmes, les différentes erreurs typiques du domaine et le contenu des explications. De plus, la reformulation ainsi choisie doit être pertinente pour représenter les différentes classes de problèmes et compréhensible par l’apprenant.

Nous envisageons deux nouveaux domaines applicatifs : le domaine des statistiques et la conjugaison. En statistiques, les étudiants doivent déterminer quel test statistique utiliser en prenant par exemple en compte le nombre de variables et les caractéristiques des variables présentées dans l’énoncé. On peut ainsi différencier des classes de problèmes associés à des tests statistiques différents. Dans le domaine de la conjugaison, il existe des ensembles de verbes qui partagent des caractéristiques communes qui se conjuguent de la même façon. On peut supposer que le principe de Ambre pourrait permettre aux apprenants de reconnaître à quel groupe ou « sous-groupe » de verbe appartient le verbe qu’il doit conjuguer et ainsi adapter la bonne terminaison.