1.5. De 1903 à 2003, le schéma de A. Godart dans l’enseignement de l’espagnol.

Nous utiliserons pour en juger, non des manuels en vigueur, non les Instructions elles-mêmes mais les documents publiés par le Centre National de Documentation Pédagogique sous l’autorité de l’Inspection Générale d’espagnol qui ont l’immense mérite d’expliciter les termes généraux et abstraits des Instructions Officielles au point de proposer, pour les illustrer, des exemples de cours. Si les deux textes ne sont pas de même nature – l’un, celui de A. Godart, énonce des principes généraux tandis que l’autre propose des cas d’espèce –, il est aisé de retrouver dans celui-là les principes qui sous-tendent celui-ci. Précisons qu’il nous importe davantage pour l’instant de faire une étude comparative des deux démarches que d’analyser la tâche qui incombe à l’élève dans chacune d’entre elles.

Prenons l’exemple dans les documents d’accompagnement de 5° et 4° 23 du cours préconisé pour une classe de cinquième Langue Vivante 1 organisé sur la base du texte intitulé « La primera clase de la maestra », texte tiré du roman de Dolores MedioDiario de una maestra 24 .

Texte tel qu’il est présenté dans les documents d’accompagnement. Traduction proposée par nous-même.
La primera clase de la maestra.


Cincuenta y seis alumnos la rodean, cincuenta y seis alumnos aguardan sus palabras y ella, seca la garganta, seca la imaginación, no encuentra palabra. Sólo dice « sentaos ».
Y empieza a pasar por entre las mesas. Esto le calma los nervios y le permite observar sin ser observada por las miradas de los alumnos. De pronto, ¡ zas !, una piedra rompe el cristal de la ventana y cae sobre la mesa. Los chicos gritan :
- ¡ Es Timoteo !
-¡Es Timoteo !
-¡Timoteo, Timoteo !
Timoteo ha dicho que iba a apedrear la escuela.
Todos gritan, se acercan a las ventanas, abren una puerta. Una ráfaga de aire puro entra por la puerta abierta.
Irene respira hondo. La piedra rompe también su indecisión. Da una palmada. Los chicos callan. Ahora parece que ni elle ni ellos tienen ganas de trabajar.
¿Qué os parece si hoy, que hace sol, nos vamos a trabajar y jugar a la orilla del río ?

Dolores Medio, Diario de una maestra.
Le premier jour de classe de la maîtresse.

Cinquante six élèves sont autour d’elle, cinquante six élèves attendent qu’elle dise quelque chose mais elle, la gorge sèche, la tête vide, elle ne trouve pas un mot. Elle dit seulement « asseyez-vous ».
Et elle commence à passer entre les tables. Cela lui calme les nerfs et lui permet d’observer sans être observée par le regard des élèves. Tout à coup, pan !, une pierre casse la vitre de la fenêtre et tombe sur la table. Les enfants crient :
- C’est Timothée !
- C’est Timothée !
- Timothée, Timothée !
Timothée, il a dit qu’il allait lancer des pierres contre l’école.
Ils crient tous, s’approchent des fenêtres, ouvrent une porte. Une rafale d’air pur entre par la porte ouverte.
Irène respire profondément. La pierre a rompu aussi son indécision. Elle frappe dans ses mains. Les enfants se taisent. Maintenant ni elle ni eux n’ont envie de travailler.
Puisqu’il y a du soleil aujourd’hui, si on allait travailler et jouer au bord de la rivière ? Qu’est-ce que vous en dites ?

Si l’on confronte le schéma proposé par A. Godart avec celui que préconisent les documents d’accompagnement, on est saisi par l’extraordinaire proximité des deux textes et par la survivance de ce que A. Godart pressentait comme étant les noyaux durs de son schéma : lecture expressive du professeur, compréhension progressive (de l’explicite vers l’implicite), interprétation, restauration.

Notes
23.

France, M.E.N. Espagnol, Accompagnement des programmes de 5° et 4°, 1997, p. 23-25.

24.

P. Lenoir, dans sa communication aux «Journées angevines 2000 » précise que ce texte a été considérablement modifié pour être publié dans les deux éditions du manuel Lengua y vida 1, ancienne édition, 1973, Paris : Hachette, p. 49, et nouvelle édition, 1979, Paris : Hachette, p. 75. Les documents d’accompagnement reprennent la version remaniée du manuel. Nous y reviendrons.