2.5.3. L’oralisation systématique de la langue écrite n’est pas l’héritière de la méthode orale.

Ce que nous avons écrit de la méthode directe et de la méthode active suffit à dire la primauté de l’oral sur l’écrit dans la méthodologie à l’œuvre en espagnol mais il ne faut pas se méprendre, l’oralisation de l’écrit ne suffit pas à transformer ipso facto l’écrit en oral. C. Puren suggère que c’est dans ce domaine que s’opère la plus grande régression entre la Méthodologie Directe et son héritière la Méthodologie Active. Quand elle n’avait pas recours à la méthode audio-orale (la parole du professeur était l’unique pôle autour duquel s’organisaient les échanges), la première avait recours au texte écrit en toute dernière instance, l’essentiel du cours étant consacré à des échanges après lecture du texte, livres fermés. Le recours au texte de base comme support didactique est en quelque sorte une résurgence du noyau dur de la Méthodologie Traditionnelle auquel on avait, au moins théoriquement, substitué la méthode orale, voire audio-orale.

S’il est admis que d’autres documents et d’autres textes que les textes d’auteurs hispaniques littéraires peuvent servir de supports de cours, les textes d’accompagnement des programmes, reprenant les programmes eux-mêmes rappellent :

‘« Par rapport aux documents de toute nature employés pour enseigner les langues vivantes, le texte authentique, non fabriqué à des fins strictement didactiques, est un document privilégié car il est à la fois :
- un exemple linguistique (aucun professeur ne peut ici avoir la prétention d’être en tout point exemplaire) ;
- un témoignage d’un hispanophone… » 67

C’est donc bien d’abord pour sa qualité linguistique que le texte d’auteur littéraire est préféré à tout autre. C’est ce qui en fait un modèle, modèle que ne peut atteindre le professeur. Il est donc clair que la langue de référence est une langue écrite et, de surcroît, littéraire. Est donc posée la question du rapport entre l’écrit et l’oral. Cette langue orale que les méthodes directe et active ne cessent de mettre en avant serait donc d’essence écrite.

Pour C. Puren, s’il y a bien priorité à la langue orale en classe, elle n’est qu’une étape vers une langue d’essence écrite :

‘« A la suite de la Méthodologie Directe, la Méthodologie Active donne au travail en classe la forme d’un dialogue permanent ; mais ce dialogue est principalement commentaire de textes, cet oral un mode pédagogique d’assimilation des formes écrites, lesquelles restent considérées comme les seules autorisées face à une langue parlée tenue comme fugace, imprécise et changeante. La priorité à la langue orale en classe n’est qu’une priorité chronologique. L’intégration didactique autour du texte dans la méthodologie active y place l’écrit au centre du dispositif didactique… » 68 [Souligné par l’auteur]’

Ce constat, qui date des années 80 est corroboré par les textes officiels actuellement en vigueur, dans l’enseignement de l’espagnol. On citera à nouveau les documents d’accompagnement :

‘« Le texte étant en lui-même la meilleure trace écrite, la finalité des consignes consiste à organiser le travail personnel de l’élève, c’est-à-dire la relecture du texte… » 69 .’

S’en suit la proposition de faire mémoriser certaines phrases et d’en évaluer la restitution. La langue écrite est bien le point de départ et le point d’arrivée fût-elle oralisée.

Notes
67.

France, M.E.N. Accompagnement des programmes de 5° et 4°, p. 20.

68.

Op. cit. p. 238.

69.

Op. cit. p. 38.