3. Quels rôles pour les agents du cours magistral dialogué ?

L’approche du cours magistral dialogué en espagnol que nous avons tentée jusqu’ici s’appuyait sur l’analyse des méthodes mises à jour par C. Puren et sur les méthodologies dont elles sont, selon l’auteur, les composantes. Nous rappelons ici les définitions qu’il donne de l’une et l’autre :

La méthode est, pour lui un

‘« …ensemble de procédés et de techniques de classe visant à susciter chez l’élève un comportement ou une activité déterminés ». 72

La méthodologie est un

‘« …ensemble cohérent de procédés, techniques et méthodes qui s’est révélé capable, sur une certaine période historique et chez des concepteurs différents, de générer des cours relativement originaux par rapport aux cours antérieurs et équivalents entre eux quant aux pratiques d’enseignement apprentissage induites ». 73

C’est dans cette perspective englobante que nous avons, avec C. Puren, situé le cours canonique d’espagnol en vigueur aujourd’hui. La Méthodologie Active à laquelle il appartient n’est donc pas une construction qui relèverait de la stricte stratégie d’enseignement / apprentissage que la langue espagnole et la culture hispanique induiraient, presque naturellement, comme le laisse accroire la tradition que nous avons évoquée antérieurement ; elle est au contraire totalement immergée dans une histoire, et, qu’elle le veuille ou non, rattachée à des théories de référence dans tous les domaines qui concernent l’enseignement / apprentissage dans le second cycle, en matière de didactique des langues comme en matière de culture, en matière de pédagogie générale comme en matière de psycholinguistique, en matière de psychologie de l’adolescent comme en matière de sociologie du langage. Il n’est pas besoin de s’y référer explicitement, encore moins de les décrire pour appliquer les dites théories ou peut-être ne sont-ce que des croyances.

Notre propos est donc ici de dégager les principes de base qui sous-tendent la méthodologie active à l’œuvre dans le cours magistral dialogué d’espagnol. Nous partirons de l’observation de chacun de ses pôles puis de l’examen des interactions qu’ils permettent et de celles qu’ils interdisent, des apprentissages que favorisent ces interactions et des limites qu’elles imposent.

Les trois pôles dont nous parlons, le professeur, les élèves, le document, sont les trois sommets d’un triangle dont il faudra montrer les interdépendances. Nous n’évoquons pas ici la question du triangle didactique mais beaucoup plus prosaïquement, les rôles que la tradition du cours magistral dialogué a distribués entre les trois acteurs principaux que sont le professeur, les élèves et le document d’appui. Si elle n’est pas le triangle didactique, cette figure permettra peut-être de dire l’originalité du triangle didactique qui sous-tend les prescriptions officielles en espagnol et plus largement en langue car le sommet que constitue le savoir ne saurait être comparé à celui qu’il constitue dans d’autres matières. En effet, comme le rappelait L. Dabène dans un article en 1990 :

‘« …celles-ci [les langues vivantes étrangères] ne constituent pas - contrairement à d’autres matières - un corps de savoirs homogène correspondant à un domaine scientifique strictement balisé et dont le seul problème se situerait au niveau d’une hypothétique “ transposition didactique  ” » 74

La volonté d’intégration pédagogique de l’enseignement de l’espagnol ne revient-elle pas à tenter de transformer un savoir qui est d’abord un savoir-faire social en « un corps de savoirs homogène » semblable à celui que dispensent d’autres matières ? Si cette hypothèse se confirmait, il faudrait se demander à quel prix et pour quel bénéfice dans le champ de l’apprentissage et dans celui de l’éducation.

L’examen des trois pôles que nous avons isolés - le professeur, le document et les élèves - sera essentiellement organisé à partir de l’analyse de leurs statuts dans la classe de langue et des rôles qui leur sont attribués. Statut s’entend ici avec le sens que lui donne R. Linton 75 , cité par F. Raynal et A. Rieunier dans leur Dictionnaire des concepts clés 76  :

‘« Place qu’un individu donné occupe dans un système donné, à un moment donné ».’

Nous n’ignorons pas qu’à annoncer un traitement de même nature à l’objet document et aux individus que sont le maître et les élèves, nous modifions sensiblement le propos et la perspective. Mais c’est que nous voulons suggérer d’emblée que l’objet, fût-il emprunté à la vie sociale extrascolaire, se voit doté d’un statut et d’une fonction, c'est-à-dire qu’il occupe une place dans l’instant et le lieu de la classe qui n’est pas la place qu’il occupait dans le tissu social. Il nous appartiendra de définir ces différences. Et conséquemment, il se voit attribuer des rôles inédits, au sens où l’entendent les auteurs que nous venons de citer qui, se référant à la psychologie sociale définissent le rôle comme une :

‘« Actualisation du statut ». 77

Comme nous le ferons pour le professeur et les élèves, nous tenterons de cerner d’abord les rôles que les Instructions Officielles, les documents d’accompagnement et les textes et réalisations qui se réclament de l’orthodoxie font jouer au document dans le cours magistral dialogué.

Notes
72.

Op. cit. p.16.

73.

Op. cit. p.17

74.

Dabène, L. Cahiers pédagogiques, n° 284-285, p. 19.

75.

Linton, R. Le fondement culturel de la personnalité, p. 71

76.

Raynal F., Rieunier, A. Pédagogie : dictionnaire des concepts clés, p. 346.

77.

Ibid. p. 326.