3.2. Le texte d’auteur littéraire, déclencheur de parole.

Nous l’avons vu précédemment, la première tâche du professeur, dans la méthodologie dite « active » est: « d’obtenir des échanges » 84 , tel est le préalable qu’annoncent sans ambiguïtés les Instructions Officielles de collège qui suggèrent ensuite que l’existence d’échanges et leur qualité dépendront du choix du document qui aura été opéré. Afin d’aider les professeurs dans cette phase décisive, le texte leur propose de choisir les deux exemples que nous avons sélectionnés pour notre analyse et le justifie comme suit :

Pourquoi est-il déclencheur de parole ?

‘« Les deux exemples suivants montrent l’importance du choix de documents authentiques qui, parce qu’ils offrent des situations complexes, permettent de susciter la prise de parole en mettant en jeu les qualités d’observation, l’expérience personnelle et la sensibilité des élèves. Leur utilisation en classe d’espagnol permet d’éveiller et de soutenir l’intérêt – on ne communique pas si l’on n’a rien à dire – et contribue à enrichir les capacités langagières des élèves, tant en espagnol qu’en français. » 85

Les auteurs considèrent que ces textes sont de nature à « éveiller l’intérêt » c’est-à-dire à faire franchir le premier pas, à enclencher un désir de parole. Pour le prouver, ils précisent que le TEXTE 1

‘« présente une situation relativement familière aux élèves. Il s’agit ici d’une institutrice débutante, quelque peu angoissée et démunie face à une classe surchargée. » 86

et que le TEXTE 2

‘« présente une scène de la vie quotidienne à la campagne » 87 .’

Nous reviendrons dans un paragraphe ultérieur sur cette proposition qui consiste, pour vaincre les résistances à parler des élèves, à choisir des textes proches de leurs goûts ou de leurs intérêts (ou que l’on croit tels car on se réfère ici à un élève standard dont l’existence n’est pas garantie), ce que nous voulons retenir ici c’est que le texte littéraire devrait déjà opérer comme acteur de l’enseignement dans la toute première phase.

Ensuite, lors du cours lui-même, la difficulté est moins d’éveiller que de « soutenir » l’intérêt mais là encore c’est le texte lui-même qui, selon les auteurs, garantit le succès, c’est le degré de complexité de la situation exposée qui, parce qu’il est élevé mais sans excès entretient l’envie de parler. S’il était trop élevé, il l’inhiberait, s’il était inexistant, il rendrait toute prise de parole inutile. Outre le fait que bien d’autres facteurs, liés notamment à la situation de classe, sont décisifs dans la prise de parole, le critère de la complexité paraît bien imprécis et très subjectif.

Mais nous voulons souligner qu’il s’agit de complexité de la situation et non du discours qui la crée. D’ailleurs on retrouve souvent ce critère de la situation dans les Instructions Officielles. Ainsi par exemple, les programmes de première et de terminale encore en vigueur en 2004 invitent-ils les professeurs à en tenir le plus grand compte quand ils choisissent leurs documents pour la classe :

‘« …les textes les plus attrayants et les plus féconds sont ceux qui présentent des situations concrètes. » 88

Il faut vraisemblablement attribuer aussi à cette volonté de donner à l’élève la possibilité d’identifier le plus vite possible des situations concrètes, cette recommandation incessante de lever les ambiguïtés de sens dues à des méconnaissances linguistiques ou culturelles :

« Il [le professeur] aplanit les difficultés linguistiques et culturelles que les élèves ne surmonteraient pas seuls, assurant ainsi la compréhension littérale… » 89
Notes
84.

France, M.E.N. Accompagnement des programmes de 5° et 4°, p. 23.

85.

Ibid. p. 23.

86.

Ibid. p. 24.

87.

Ibid. p. 26.

88.

Op. cit. p. 55.

89.

Ibid. p. 33.