3.2.1. Texte littéraire certes, mais la lecture est-elle d’essence littéraire ?

S’agit-il ici de faciliter à l’élève le processus spécifique de la lecture du texte littéraire qui conduit le lecteur vers un ailleurs, qui opère une décentration qui permettra une certaine empathie avec les personnages ? Rien n’est moins sûr car à se substituer au lecteur pour lever les ambiguïtés que recèle le discours, car à le précipiter vers ce que l’art d’écrire a retenu du réel mais qu’il a recréé par tout un jeu de dits et de non dits, à dissocier en quelque sorte la situation du langage qui la crée, le signifié du signifiant, on risque fort d’interdire à l’élève la porte de la littérature et ce faisant l’accès à l’extraordinaire puissance créatrice du mot. Car c’est bien l’essence de la littérature que de rendre son lecteur co-constructeur du sens :

‘« Le texte n’est pas lisible si le lecteur ne lui donne pas sa forme ultime, par exemple en imaginant consciemment ou inconsciemment une multitude de détails qui ne lui sont pas fournis […] Il n’existe pas de texte littéraire indépendamment de la subjectivité de celui qui le lit […] C’est le lecteur qui vient achever l’œuvre et refermer le monde qu’elle ouvre, et il le fait chaque fois de manière différente » 90

Il en ressort que le sens ne préexiste pas à la lecture et c’est tant mieux car c’est ainsi une aventure personnelle de tous les instants, même en langue étrangère parce qu’il va nous falloir mobiliser tous les possibles pour construire notre sens et ainsi explorer l’étendue sémantique d’un mot, l’effet de sens d’une construction, la portée d’une flexion verbale.

Reprenons l’analyse que nous avons faite du traitement qui est proposé de TEXTE 2 en 2.2., (lorsque nous évoquions les entorses à la méthode directe) pour l’approfondir.

Notes
90.

Bayard, P. Qui a tué Roger Ackroyd, p. 127-128.