3.2.3.b. Des conséquences en amont du baccalauréat.

L’examen du baccalauréat répond à des impératifs complexes, il est le produit d’une histoire mais les décisions qui y sont prises n’en sont que plus lourdes parce que, comme nous l’évoquions plus haut, leurs effets ne se limitent pas au public concerné directement par l’examen considéré, l’année considérée, mais ils se répercutent largement sur tout le second cycle, les professeurs qui enseignent en terminale, enseignent le plus souvent également en première et en seconde. Le souci des uns de réussir l’examen rencontre largement le souci des autres d’assurer le succès des premiers, relayés efficacement par de nombreux manuels. Nous prendrons seulement à titre d’exemples une question posée dans un manuel de seconde et une autre posée dans un manuel de première.

Manuel de seconde :

«¿Te gusta el personaje ? » [Est-ce que ce personnage te plaît ?] 101

Loin de nous l’idée que le lecteur du texte littéraire ne saurait se situer sur le terrain de l’éthique par rapport au personnage de fiction, ou même à la situation. Mais ce type de questionnement ne permet pas à l’élève de rentrer dans l’intimité du personnage odieux dont il s’agit pour en comprendre le fonctionnement, les innombrables facettes, les déterminations sociales, et ce faisant, croiser tous ces éléments avec ceux qui lui sont propres, ce type de questionnement renvoie l’élève à l’obligation d’un jugement définitif, politiquement, scolairement correct - et l’on voit bien quelle instrumentalisation de cette situation peut être faite par exemple par un élève qui est en train de se construire une subjectivité contre l’institution scolaire, mais nous y reviendrons -. Le texte littéraire se trouve dépouillé de ce qui lui est essentiel mais les élèves se préparent déjà à construire des réponses adaptées à l’examen du baccalauréat.

Manuel de première :

‘« ¿Por qué tanto los hombres de negocios de todo el mundo se parecen ? »’ ‘[Pourquoi les hommes d’affaires du monde entier se ressemblent-ils tant ?] 102

Ou la question sous-entend que le texte littéraire a établi une loi universelle qui régit le réel et il revient à l’élève lecteur d’en expliquer les causes. Ou la question est extérieure au texte et suggère au lecteur de réfléchir à la ressemblance qu’il y a entre le personnage du texte et un prototype de l’homme d’affaires. Quelle que soit l’interprétation de la question, elle ne s’inscrit pas dans une logique de lecture littéraire.

Notes
101.

Capdevila & al. Continentes 2°, p. 75. Question d’expression posée sur un texte extrait du roman Patagonia Express, de Luís Sepúlveda, 1995.

102.

Knafou & al. Espagnol Classes de Premières Encuentro, p. 161. Question d’expression posée à partir d’un texte extrait du roman Amor América, de Maruja Torres, El País Aguilar, 1993.