3.2.5.b. Une lecture littéraire rendue impossible.

La force évocatrice du texte poétique est extraordinaire : le locuteur est un indien des hauts plateaux des Andes du nord du Chili (les toponymes et les références à leur environnement l’indiquent clairement) qui tente de convaincre son épouse qu’il faut partir à la ville (Iquique), n’hésitant pas à enjoliver la réalité de la métropole côtière. La connaissance du contexte historique (les grèves de mineurs dans les Andes, le développement des bidonvilles dans les agglomérations urbaines) ajoute encore à la dramatisation.

En termes d’action, il ne se passe rien. Surtout pas un déplacement, puisque le propos est de persuader l’épouse de prendre la décision de quitter sa terre. La détresse du personnage n’est pas dite, elle n’existe pas dans le texte. Le personnage lui-même n’a pas d’existence propre. C’est le lecteur qui va se l’inventer et la richesse de sa création, l’intensité émotionnelle, en un mot la richesse humaine de l’expérience littéraire dépendra pour une part des références qu’il aura à disposition pour peupler son imaginaire. Pour que ce texte soit respecté pour ce qu’il est, il n’y a pas d’autre issue que d’aider antérieurement les élèves à se doter des savoirs de référence sans lesquels il n’y aurait pas de lecture possible. Ces prérequis mis en place, chacun peuplera cet espace ouvert et s’il y a parole, ce ne pourra qu’être après, sous forme de débat, de négociation de sens.

A vouloir faciliter la compréhension, on interdit l’accès au texte. Il n’y a plus de compréhension possible du texte. En effet, dès lors qu’il y a illustration, l’élève peu assuré dans le décodage de l’écrit en espagnol, va projeter sur le texte les clichés qu’a réveillés l’illustration. Cette projection de l’expérience brute vient se substituer au processus de compréhension comme construction de sens, il s’agit moins de comprendre que de se complaire dans ses représentations.