4.4.3. Parler en espagnol pour apprendre à parler.

Apprendre à parler en parlant, certes, mais qu’est-ce parler en langue vivante étrangère pour un apprenant ? W. Klein 202 , pour présenter la synthèse de quelques recherches a choisi d’isoler quatre tâches principales pour l’apprenant. Si ces quatre tâches sont indissociables les unes des autres dans la communication exolingue, la caractérisation qu’en fait l’auteur nous offre de précieux repères. Nous reproduisons ici le résumé qu’en fait M. Pendanx

‘« Première tâche : analyser la langue.
La première tâche de l’apprenant est l’analyse des productions langagières qui lui sont adressées ou auxquelles il est exposé. Ces “ données de l’entrée ” se présentent sous forme d’“énoncés complets doués de sens qui sont insérés dans un contexte situationnel donné ” (W. Klein, p. 83). L’apprenant devra par exemple analyser la complexité sonore en unités plus petites, et il lui faudra mettre ces unités en relation avec l’information dont il dispose. Pour mener à bien cette analyse et grâce à l’élaboration d’une série d’hypothèses et d’implications, il mettra à contribution non seulement sa capacité de perception, mais aussi l’ensemble des connaissances qu’il a acquises : connaissances extralinguistiques ; connaissance sur le langage et la communication ; connaissances relevant des langues qu’il possède déjà (sa langue maternelle, les autres langues –secondes ou étrangère– qu’il maîtrise et son interlangue qui est en évolution constante).
Deuxième tâche : construire l’énoncé.
C’est, à l’inverse, le problème de la synthèse : l’apprenant doit combiner les éléments et construire des énoncés, aussi bien au niveau des mots qu’à celui des sons. Les opérations de synthèse concernent la syntaxe de la langue, qui est constituée par quatre grandes catégories de moyens linguistiques : l’ordre des mots, la répartition des mots en classes grammaticales, la flexion et les moyens apparentés comme les particules, l’intonation. Cette opération de synthèse sert à la production d’énoncés et à la communication. Elle permet également de vérifier les hypothèses élaborées au cours de l’analyse. Á ce sujet, W. Klein précise que, pour l’apprenant, “ses premiers essais de synthèse sont indispensables pour lui permettre un accès plus large et plus intensif à la langue cible, condition sine qua non pour poursuivre l’analyse de la langue ”.
Troisième tâche : mettre en contexte.
L’intégration au contexte se pose dans toute situation de communication : tout énoncé est “ inséré dans un contexte d’informations contextuelles. Dès qu’un locuteur prend la parole, il doit essayer d’adapter son énoncé à ce flot d’informations” (ibid., p.86). Ce dernier peut jouer un rôle aussi important que l’information contenue dans l’énoncé lui-même, mais “ la plupart du temps sont intégrés, et c’est leur intégration qui rend possible la compréhension globale de l’intention de signification ” (ibid., p. 146-147). Le rapport existant dans toute activité langagière entre connaissances linguistiques et connaissances contextuelles se pose différemment selon la richesse de la langue de l’apprenant, et évolue à mesure que sa langue se développe : en compréhension comme en production, les connaissances contextuelles finissent par peser moins que les connaissances linguistiques.
Quatrième tâche : comparer.
Cette dernière tâche est le moteur de la progression de l’apprenant : en effet, “pour continuer à progresser, l’apprenant doit pouvoir comparer en permanence son propre comportement linguistique à celui que la langue cible requiert” (ibid., p. 179). » 203

Ces quatre tâches sont indissociables les unes des autres, elles exigent que le récepteur – locuteur convoque un grand nombre de savoirs et de savoir-faire appartenant à des champs très différents. Le prescripteur institutionnel qui, avec une constance jamais démentie, met en demeure le professeur d’espagnol de faire parler ses élèves, ne semble pas avoir pris la mesure de l’ensemble des conditions de l’acte langagier. Dans l’analyse qui suit nous tenterons de faire le point sur les opérations langagières pointées ici que permet ou ne permet pas le cours canonique d’espagnol et pourquoi.

Notes
202.

Klein, W. L’acquisition de langue étrangère.

203.

Pendanx, M. Les activités d’apprentissage en classe de langue, p. 33-34.