5.3.1. Le cas de l’apprentissage grammatical fait-il exception ?

Cependant peut-être les préconisations en matière d’apprentissage de la grammaire échappent-elles à ce danger. Nous allons examiner cette question à travers les textes officiels et prélever quelques exemples dans notre corpus de scripts de cours.

Il est à noter que les programmes de langues vivantes des classes de seconde générale et technologique qui sont entrés en vigueur à la rentrée 2003 sont introduits par un préambule commun qui, notamment en matière de lexique et de grammaire, invite à orienter l’apprentissage dans le sens d’une plus grande conceptualisation :

‘« On met à profit leur curiosité intellectuelle ainsi que leur besoin de comprendre pour leur faire découvrir quelques clés lexicologiques – principes de dérivation, de composition, etc.– et les aider à découvrir les faits grammaticaux qui éclairent le fonctionnement de la langue et sont des aides à la mémorisation. On fait très clairement une distinction entre grammaire de reconnaissance (nécessaire pour la compréhension des documents écrits et oraux) et grammaire de production (à maîtriser par l’élève à la fin de l’année scolaire).
Le français peut alors être mobilisé de manière épisodique pour amener l’élève à définir ces besoins d’expression communs à toutes les langues. Une approche contrastive amène à reconnaître que les moyens lexicaux sont différents des moyens grammaticaux pour la langue que l’élève apprend ». 225

Les pages spécifiquement consacrées à l’espagnol sont étonnamment muettes sur le sujet et il est peu probable que ce silence vaille approbation 226 . Les inflexions importantes qu’introduit le préambule commun à toutes les langues sont toutes commentées quand elles ne sont pas retraduites dans les textes spécifiques de l’espagnol, aussi est-il surprenant que des orientations qui contredisent à ce point la vulgate ne fassent pas l’objet d’un commentaire. La tradition veut en effet que l’on fasse en espagnol de « la grammaire en situation ». Ainsi trouve-t-on dans les textes antérieurs de seconde les consignes suivantes :

‘« Le professeur fait en sorte que les formes grammaticales soient utilisées dans les situations vivantes qu’offrent les documents à commenter. Etant donnée la variété de ces documents, l’élève est amené à réemployer de façon naturelle les mêmes formes dans des situations différentes. Il parvient à les assimiler grâce à ces réemplois et à leur mémorisation à la maison ». 227

 Le réemploi de « façon naturelle » des « mêmes formes » dans des « situations différentes » correspond-il ou non à l’une des étapes identifiées par R. Porquier et que nous avons reprises en 5.1. (découverte-exploration, structuration, entraînement, évaluation) ? S’il doit être rapproché de l’une d’elles, ce ne peut-être que de la phase n° 3, celle de l’entraînement. Nous allons interroger le réemploi préconisé en espagnol avec l’éclairage qu’apporte la notion d’entraînement proposée par L. Porquier (sans prendre en compte le fait que l’entraînement tel qu’il le préconise suppose au préalable la phase de structuration). Rappelons que cette étape est :

‘« un entraînement au repérage et au maniement des formes et de sens, mémorisation, automatisation ». 228

D’abord on remarquera que l’entraînement dont il s’agit n’est pas exclusivement un entraînement dans le cadre de la production : repérer une forme ou un sens dans un texte 229 , qu’il soit écrit ou oral, n’est pas anodin mais il n’est pas dans la tradition de l’enseignement de l’espagnol de faire cerner un sens ou une forme par le repérage en contexte. En dehors de la reproduction phonique de formes point de salut. Nous aurons l’occasion de revenir à cela lorsque nous traiterons de la compréhension mais il apparaît clairement sous la plume de R. Porquier que cette activité comme productrice de sens est déterminante dans cette phase d’entraînement. Restent donc « le maniement des formes et des sens, la mémorisation et l’automatisation ».

Notes
225.

France, M.E.N. Préambule, langues vivantes, classe de seconde générale et technologique.

226.

Les documents d’accompagnement des programmes de seconde publiés en décembre 2003 en administrent une démonstration brutale. Ils feront l’objet d’une analyse à la fin de cette partie.

227.

France, M.E.N. Espagnol. Classes de seconde, première et terminale, p. 37.

228.

Op. cit. p. 123-136.

229.

Texte est ici utilisé dans son acception la plus large d’objet linguistique.