6.4.3. Abondance ou qualité.

L’examen que nous venons de faire de la notion d’enrichissement de la langue après avoir examiné les rôles respectifs du document d’appui, du professeur et de l’élève fait émerger une part des représentations de la langue étrangère, et donc de son apprentissage, qui sous-tendent le cours canonique d’espagnol. De même que l’on dira d’un sol qu’il est riche parce qu’il contient en abondance des éléments nutritifs pour les plantes, de même une langue d’apprenant semble être riche lorsqu’elle satisfait au deux critères de qualité et de quantité. La quantité renverrait à l’étendue des moyens linguistiques d’expression et la qualité à leur caractère spécifique de la langue espagnole. Il faudrait, pour que le critère de la quantité soit recevable, que l’objet langue espagnole fût un objet fini, que l’on pût en circonscrire les contours ou qu’au moins le domaine de ce savoir que l’École entend faire apprendre soit délimité. Or nul n’épuisera jamais les combinaisons possibles de sa propre langue et a fortiori d’une langue étrangère. Chacun ne l’appréhendera jamais que de là où il se trouve et c’est peu dire que ce serait une gageure d’en entreprendre un découpage. Juger de la quantité linguistique dans un environnement scolaire exolingue répondant à des impératifs institutionnels et organisé autour des activités d’apprentissage que l’on a définies conduit à se référer à un objet propre au dit environnement et circonscrit par lui que l’on constituerait par dépôts alluvionnaires successifs à la faveur du cours magistral dialogué et des leçons apprises. D’autre part, pour satisfaire au critère de qualité, il faudra produire une « langue idiomatique », c'est-à-dire utiliser les recours linguistiques qu’elle offre et que n’offre pas la langue de celui qui apprend. L’auteur de Prépabac, pour être compris d’un public scolaire de candidats au baccalauréat, explique qu’il s’agit de « mettre un peu de piment et de vie à ses réponses » 267 . L’objet linguistique à acquérir et qui permet de satisfaire au critère de qualité, est donc défini comme un élément de décor superfétatoire par rapport au message mais valorisant dans la forme sans qu’à aucun moment ne soit envisagé l’effet de sens produit par la tournure dans un contexte donné. Tout se passe comme si, pour être apprise, la langue espagnole devait être transformée. Puisque, pas plus qu’une autre, elle n’est un savoir constitué là où elle vit et se développe, c’est-à-dire dans sa réalité sociale, elle doit le devenir dans la réalité scolaire : nous n’avons plus de doute sur la capacité du cours canonique d’espagnol à agir comme un agent transformateur capable d’opérer cette mutation et il est efficacement secondé par une évaluation calée sur la maîtrise de savoirs scolaires constitués, de savoir-faire établis scolairement. Ces savoirs et savoir-faire forment un bagage identifié par l’École comme l’attirail scolaire nécessaire pour la certification.

Notes
267.

Op. cit. p. 40.