7.3. L’oral se juge à l’aune des normes de l’écrit.

Qu’est-ce qui caractériserait alors une production linguistique qui se contenterait « d’à peu près » ? Il nous semble que l’on peut déduire la réponse des injonctions qui apparaissent dans les documents d’accompagnement du cycle central du collège à propos de la nécessaire « complétude des phrases ». Après avoir montré en quoi pouvait consister la production de l’élève sur le document d’appui « La primera clase de la maestra » que nous avons transcrit en 41, le rédacteur précise que :

‘« Ce travail ne peut être fructueux, c’est-à-dire laisser des traces, que si le professeur entraîne à la reprise de la phrase en entier, même et surtout lorsque les interventions sont fragmentaires : si le professeur demande : ¿Por qué no habla la maestra al principio ?[Pourquoi la maîtresse ne parle-t-elle pas au début ?] et que la réponse est : “ porque es la primera clase” [parce que c’est le premier cours], il importe de tout faire reprendre : la maestra no habla / no puede hablar al principio porque da, es su primera clase [la maîtresse ne parle pas / ne peut pas parler au début parce qu’elle fait son premier cours, parce que c’est son premier cours.]. » 273

L’injonction est en effet très claire, ce qui pourrait être une phrase d’oral parfaitement correcte linguistiquement dans une situation d’interaction orale (« parce que c’est le premier cours ») est disqualifié et remplacé par une formulation qui relève davantage du code écrit que du code oral. C’est que l’obsession de l’exactitude formelle que l’on constate dans notre corpus fait apparaître un paradoxe de taille : c’est par la parole que l’élève doit apprendre à maîtriser la langue mais cette langue doit obéir aux règles de la grammaire de l’écrit. Si le préambule commun aux programmes des langues vivantes des classes de seconde générale et technologique interpelle les professeurs sur ce point :

‘« Le professeur prend soin de bien distinguer code de l’oral et code de l’écrit pour que l’oral de l’élève ne se réduise pas à un écrit oralisé. » 274

on constate que le professeur d’espagnol ne trouvera pas de pistes dans les textes officiels pour aider l’élève à se construire dans la langue étrangère une grammaire de l’oral. Cependant les Instructions spécifiques de l’espagnol qui suivent ce préambule précisent dans la partie des objectifs d’expression orale que :

‘« L’élève doit pouvoir participer à une conversation sur des sujets de vie quotidienne, communiquer simplement avec un locuteur natif, raconter une expérience personnelle, exprimer son point de vue. »’

Ces capacités ainsi définies requièrent en effet de l’apprenant des savoir-faire d’oral innombrables mais ni les Instructions elles-mêmes, ni les documents d’accompagnement ne préconisent des moyens pour y parvenir, suggérant par l’absence que ces savoirs et savoir-faire ne relèvent pas d’un apprentissage spécifique et réflexif, ils seraient en quelque sorte donnés par surcroît à qui remplirait son devoir d’élève d’espagnol consistant essentiellement à produire une langue conforme à la norme écrite.

Notes
273.

Op. cit. p. 24.

274.

Op. cit. p. 5.