7.5. A quel cadre de référence renvoient les normes en vigueur dans le cours canonique d’espagnol ?

Nous avons montré que la langue érigée en modèle d’apprentissage se caractérisait d’abord par sa conformité à la norme grammaticale de l’écrit. Toute faiblesse en ce domaine est rédhibitoire. Dans un rapport d’inspection extrêmement critique, le rédacteur laisse tomber ce jugement sans appel, qu’il reprendra d’ailleurs dans sa conclusion :

‘« …trop souvent, le professeur a laissé passer de grosses fautes sans réagir ». 278

Nous avons montré que le modèle présenté aux élèves cultivait l’écart et que la « richesse de l’expression » était une fin en soi indépendamment même des effets produits : si l’élève ne perçoit pas ce qu’exprime l’expression « voy aprendiendo » que n’exprime pas l’expression « estoy aprendiendo », l’usage qu’il fera de l’une ou de l’autre répondra davantage à un besoin social de reconnaissance de son apprentissage formel qu’à une volonté d’utiliser les ressources du langage pour faire saisir à l’autre un point de vue. Nous nous référons ici aux travaux qui trouvent leur origine dans la notion de variable sociolinguistique de W. Labov 279 mais nous y reviendrons. Les habitus des professeurs d’espagnol que révèle l’observation du cours magistral dialogué font apparaître les représentations que les tenants de cette institution ont de la langue qu’ils enseignent, du statut social que cette pratique leur confère mais elles font apparaître aussi les représentations qu’ils distillent chez ceux qui apprennent et veulent réussir scolairement. Nous relions en effet maîtres et élèves car nous faisons l’hypothèse que le cours magistral dialogué d’espagnol opère comme un vecteur de transmission de représentations conditionnant de la sorte de manière décisive l’apprentissage. Le rapport à l’hypercorrection nous semble un bon indicateur de la représentation de la langue à enseigner et de la langue à apprendre.

Notes
278.

Rapport d’inspection n° 10.

279.

Labov, W. Sociolinguistique.