8.2.2. Contradictoire avec la logique du modèle.

Le cours magistral dialogué sur la base du document d’appui installe une représentation de l’apprentissage qui consisterait en l’appropriation d’un savoir constitué à partir d’objets qui en seraient prélevés. On fait ainsi porter l’attention de l’apprenant sur un objet perçu en totale extériorité, appartenant à un espace quasiment hors de portée que l’on parvient tout juste à percevoir par bribes quand la logique de l’«interlangue » renvoie à la capacité du sujet apprenant de se construire un savoir-faire où se mêlent dimensions psycholinguistique, sociolinguistique et affective. Le développement de cette « langue intérimaire » comme elle a été quelquefois désignée n’est possible que si le sujet apprenant est en perpétuelle recherche d’équilibre, à partir du système dont il est porteur, configuré par sa langue maternelle, au contact du système de la langue cible, que si ce qu’il perçoit de cette dernière au moment M de l’apprentissage déclenche la nécessité d’une rééquilibration et approche de la sorte son « interlangue » de la langue cible. C’est cette interactivité que souligne avec force V. Castellotti :

‘« Si la langue première (…) constitue un point d’appui, c’est à partir des données disponibles de la langue à apprendre que s’élaborent les hypothèses successives qui, testées dans la confrontation avec les productions de cette langue, permettent à l’apprenant d’avancer dans l’apprentissage.
L’interlangue apparaît donc comme un processus éminemment interactif, au sein duquel les deux langues concernées entretiennent des relations d’imbrications et d’interdépendance qui concourent à la construction de nouvelles compétences, testées puis affirmées par l’apprenant grâce au contexte qui peut s’avérer plus ou moins facilitateur pour l’acquisition. » 286

C’est peu dire que le contexte qu’offre le cours canonique d’espagnol n’est pas facilitateur de cette interactivité pour les raisons que nous avons dites et plus généralement parce qu’il est encore fortement imprégné de la théorie de l’analyse contrastive qui dans les années quarante et cinquante représenta une avancée considérable dans la mesure où elle prenait en compte de façon organisée les relations entre la langue maternelle et la langue étrangère à apprendre.

Notes
286.

Castelloti, V. La langue maternelle en classe de langue étrangère, p. 72