8.4.4. L’objet de l’apprentissage change-t-il ?

Comme précédemment, l’attention est essentiellement portée sur la langue comme savoir constitué et non sur les usages de la langue. On retrouve alors les thématiques que nous avons isolées de la richesse de la langue, des tournures idiomatiques, en un mot un apprentissage lexical fondé sur la logique de l’accumulation et une recherche incessante de l’exactitude formelle sans que soit jamais suggéré que derrière le sens lexical, il y a le sens social qui fait qu’un mot n’a jamais exactement la même résonance d’une situation à une autre :

‘« Afin de pouvoir développer les compétences visées par le programme, l’élève devra être en mesure de maîtriser une gamme d’expressions toujours plus variée et un lexique de plus en plus riche et précis. »’

Un apprentissage qui viserait une autonomie langagière s’attacherait moins à la « précision » et à la « richesse » du vocabulaire dans l’absolu qu’à l’adéquation des moyens de compréhension et d’expression aux situations d’interaction possibles mais on demeure dans les nouveaux textes d’espagnol dans une autre logique qui est sous tendue par une conception de la progression de l’apprentissage fondé sur l’appropriation graduelle du seul système linguistique. Comment interpréter autrement l’idée récurrente selon laquelle la progression se fait du simple au complexe ? On lit en effet dans le volet « espagnol » des nouveaux programmes :

‘« Le programme grammatical et lexical de la classe de Seconde prolonge le programme du collège. Il est établi de telle sorte que l’enseignant puisse conduire sa classe et sa progression pédagogique en allant du simple au complexe afin que l’élève parvienne à l’élaboration d’une expression à la fois riche et variée et à la compréhension de documents sonores ou écrits de plus en plus élaborés. » 328 [C’est nous qui soulignons]’

La langue en action ne peut pas être simplifiée, elle relève toujours du complexe dans la mesure où elle active ensemble de multiples paramètres. Ce sont les situations qui sont plus ou moins claires, plus ou moins proches de l’apprenant, plus ou moins exigeantes en référents etc. Pour être simplifiée, donc didactisée, la langue sera extraite de sa fonction, donc d’elle-même (mais devra tout en même temps servir la communication scolaire). La progression n’est donc pas fondée sur les savoir-faire langagiers mais reste calée sur l’apprentissage des formes linguistiques selon une progression du simple au complexe que le professeur d’espagnol saurait définir. Les documents d’accompagnement ont l’immense mérite d’affirmer clairement ce précepte que nombre de textes antérieurs défendaient sans l’exprimer mais il contredit radicalement le préambule :

‘« Le choix des supports doit être orienté par le souci d’établir une progression pédagogique dans les apprentissages linguistiques… » 329
Notes
328.

Op. cit. p. 51.

329.

Op. cit. p. 48.