5. La classe de langue pour que l’élève devienne un acteur social.

Qu’il s’agisse de s’approprier le système linguistique étranger, qu’il s’agisse de se construire un rapport au langage par l’apprentissage de la langue étrangère, qu’il s’agisse de se constituer un capital langagier et culturel, nous avons à chaque fois fait apparaître l’absolue nécessité de l’action consciente du sujet qui apprend. Nous avons montré dans notre première partie les limites du cours canonique d’espagnol qui, fondé sur le principe de l’apprentissage par le modèle, ne permet une appropriation qu’à celui qui s’est constitué, par ailleurs, un rapport au langage, à la culture et à l’apprentissage. Notons que ce n’est pas là l’apanage du cours d’espagnol et que d’autres méthodologies, d’apparence plus novatrice, ont pu, de la même façon, se désintéresser du sujet en train d’apprendre.

Une clarification s’imposait donc sur la nature de l’action dont il est question et sur la nature de la conscientisation du travail d’apprentissage. Nous avons montré que le cours canonique n’offre pas l’occasion d’interagir en langue étrangère dans la mesure où il n’y a pas engagement du sujet en langue cible. L’«agir culturel » en langue cible n’a pas droit de cité, en règle générale, dans la salle de classe. Les enjeux portent sur l’« agir scolaire » plus que sur les usages de la langue cible et ce ne sont pas les ersatz d’action inventés par d’autres méthodologies, comme la simulation par exemple, qui sont de nature à palier ce manque ; ils ont une autre fonction. Certes c’est leurrer les élèves que de les laisser croire qu’ils interagissent en espagnol quand ils ne font que satisfaire à des obligations scolaires, certes il n’y a d’interaction véritable en langue cible que dans une situation sociale de face à face avec l’alloglotte (qu’elle soit symbolique ou non), il n’en reste pas moins que cette dernière situation n’est pas, le plus souvent, une situation d’apprentissage et que l’École a une mission et les élèves des obligations.

Certes l’École ne peut préparer à l’action sociale et ignorer l’action, il faut donc ouvrir des perspectives d’articulation avec l’action sociale mais pour être démocratique, l’École doit aussi être le lieu de l’émergence du sujet, c'est-à-dire de la construction de son rapport au monde, au langage, au savoir, à la pensée créatrice. Dans l’apprentissage de l’espagnol, quand elle se fait, cette construction se fait le plus souvent clandestinement, or l’enseignement apprentissage de langue apparaît comme le lieu privilégié de la réflexion métalinguistique, métalangagière et métaculturelle.