23. Où le spécialiste de l’écologie du développement humain reprend la parole…

Où le spécialiste de l’écologie du développement humain reprend la parole pour exiger de notre auteur qu’il détermine avec clarté dans quel espace il entend situer le cours de langue étrangère.

- Vous revenez à la théorie de l’écologie du développement humain ? Je n’en suis pas fâché car l’expérience sur laquelle vous appuyez votre démonstration me semble à ce point particulière qu’il m’est difficile d’imaginer que l’on puisse en tirer un modèle alternatif au cours magistral dialogué que vous avez tant vilipendé.

- Au contraire, cette expérience permet d’ouvrir la perspective en resituant la classe de langue étrangère pour l’apprenant dans le cadre de son développement cognitif et social. Vous vous souvenez des quatre niveaux de contexte évoqués par Bronfenbrenner ?

- Comment ne m’en souviendrais-je pas puisque c’est moi qui vous les ai fournis ?

- C’est vrai. Comment définit-il le « macrosysème » ?

- Je dirais bien pour simplifier qu’il s’agit de la culture.

- En effet ce serait le système qui fait que les différents niveaux de contexte sont reliés entre eux par des régularités qui en garantissent la cohérence.

- De ce point de vue, le cours de langue étrangère en France, en tant que constituant de l’ensemble institutionnel qu’est l’École fait partie consubstantiellement d’un macrosystème dont la cohérence est produite par une culture entendue comme système de valeurs en action, qui se définit notamment par sa singularité. Or vous préconisez en fait d’en exclure le cours de langue étrangère.

- Il ne s’agit pas d’en exclure le cours de langue mais de faire que l’apprentissage de langue étrangère permette à l’individu en formation de se préparer à vivre et même de vivre, ne fût-ce qu’épisodiquement, dans un autre système de pratique et de pensée sachant qu’il ne peut y parvenir qu’en accédant à la conscience de son propre système.

- Votre ambition ne s’émousse pas.

- L’enseignement - apprentissage des langues en milieu scolaire a-t-il oui ou non vocation à donner à l’apprenant les moyens d’agir langagièrement dans un autre macrosystème que le sien ?

- C’est ce que proclament les textes officiels.

- Le système scolaire a-t-il oui ou non vocation à faire accéder l’individu en formation au statut de sujet ?

- Oui mais prioritairement dans sa langue première.

- L’expérience observée montre à quelles conditions l’enseignement apprentissage de langue étrangère peut contribuer de façon décisive à atteindre ces deux objectifs. Deux principes : Premièrement, l’apprentissage langagier en langue étrangère prend appui sur la conscience du langage construite ou en construction en langue première et contribue donc à son développement. Deuxièmement, l’institution scolaire n’a pas à se substituer ou à singer le macrosystème où l’apprenant doit apprendre à agir langagièrement, elle est l’interface entre les deux systèmes.

- Le cours de langue n’est donc pas ce microsystème que décrivait G. Pallotti comme « un ensemble d’activités qui se déroulent typiquement à l’intérieur d’un certain cadre physico-matériel » 466

- Bien sûr, le cours de langue est le lieu d’activités et nous avons vu combien elles doivent être nombreuses et variées mais ainsi défini, il n’est que l’atelier qu’organise le professionnel qu’est le professeur de langues. La responsabilité de l’institution scolaire ne s’arrête pas là. S’il n’y a pas d’apprentissage de langue étrangère qui ne se fonde sur les rapports que l’apprenant tisse avec le monde par le langage, d’abord à partir de sa langue première…

- Alors vous allez dire que c’est le mésosystème de l’apprenant qui doit être au cœur des préoccupations de celui qui est chargé de lui faire apprendre les langues étrangères.

- Parce que c’est dans ce système de relations entre tous les microsystèmes où il est impliqué que se construit le sujet. Son rapport au monde et donc au langage s’est formé dans le microsystème familial et / ou dans le microsystème du quartier ; le microsystème de la classe et singulièrement celui de la classe de langue peut questionner, enrichir, démultiplier ce rapport au monde encore faut-il qu’en dernier ressort ce soit l’apprenant qui soit l’artisan de cette synthèse jamais achevée.

- Et, paradoxalement sortir de son macrosystème pour tenter de s’intégrer dans un autre contribue à dominer le premier !

- Parce que cette logique de l’action replace la classe de langue dans sa seule fonction possible de facilitateur. Le cours de langue ne s’interpose pas entre un système et un autre. C’est un dispositif qui a pour but de faciliter le processus d’intégration dans un macro système nouveau d’un être de langage socialement situé qui part pour l’aventure avec son attirail langagier constitué dans son système d’origine. Il lui faudra le transformer, l’ajuster, l’adapter pour s’approcher toujours davantage de la langue cible.

Notes
466.

Op.cit. p. 184.