2.4.1. La linguistique.

L’enseignement – apprentissage de langue étrangère doit donner à l’apprenant les moyens de s’approprier le système linguistique de la langue cible. La condition requise sera évidemment que l’enseignant connaisse ce système linguistique mais il convient de préciser à quel degré de connaissance il doit se situer pour rendre possible cette appropriation par l’apprenant. La maîtrise du système dans l’interaction avec l’alloglotte, si elle est une condition nécessaire, ne saurait être une condition suffisante. Si pour aider l’apprenant il convient de lui permettre d’appréhender la langue cible comme un système et non comme une accumulation de formes, il est impératif que son professeur en ait une approche métalinguistique, faute de quoi, il ne pourra pas entraîner l’apprenant à chercher les régularités, à distinguer les variantes, à chercher le général, à s’affranchir de la tyrannie des particularités, à atteindre les données abstraites qui organisent, à conceptualiser, bref, à se construire le système. Dans une perspective constructiviste de l’apprentissage, il s’agit bien d’emmener l’apprenant à la maîtrise du concept pour le libérer du modèle, à la compréhension des fonctionnements linguistiques afin qu’il puisse de son propre chef assurer les transferts nécessaires à son autonomie. L’approche systémique exige une pensée toujours en action mais fait apparaître des cohérences, des liens de sens où la grammaire descriptive laissait une impression d’artifice : la phonétique et la phonologie éclairent la morphologie et vice versa, la sémantique donne du sens à la syntaxe et vice versa. De plus, les travaux de la linguistique acquisitionnelle et ceux qui ont été menés sur le bilinguisme et le contact de langue ont montré l’importance fondamentale de la langue première dans ce processus. Que le professeur incite à une approche contrastive et cela n’ouvre pas seulement l’accès au système de la langue de l’autre, il permet, comme nous l’avons montré, la secondarisation du système de la langue première.

Mais au-delà du système, il y a sa mise en œuvre dans l’interaction. Si on se réfère à la linguistique énonciative de A. Culioli, il n’y a que dans l’énonciation que l’on peut observer ce qui constitue le langage humain. Si l’apprentissage scolaire de langues étrangères vise l’acte de langage dans la langue de l’autre, elle ne peut faire l’économie de cet aspect de la linguistique car il s’agit bien de s’interroger sur la façon dont locuteur et allocutaire usent de la langue dans une situation donnée. Conduire et aider l’élève à relever les traces des interlocuteurs alloglottes pour se poser ensuite en locuteur en langue étrangère exige du maître non seulement qu’il soit capable de participer à une interlocution de ce type mais qu’il ait également la compétence métalangagière correspondante.