2.4.3. Les neurosciences.

Cette facilitation des processus mentaux sera d’autant plus efficace qu’elle tiendra compte des contraintes physiques et naturelles qui sont celles du cerveau humain et que les neurosciences appréhendent avec de plus en plus de précision. Il ne servirait à rien de maintenir des pratiques d’enseignement - apprentissage qui iraient à l’encontre de découvertes scientifiques reconnues. C’est pourtant ce qui se passe quand, contre vents et marées, on continue de prétendre qu’on développe la compréhension en développant l’expression et vice versa, que l’une et l’autre progressent dans le même mouvement. Nous avons évoqué maintes fois cette caractéristique de la pédagogie traditionnelle de l’espagnol, que C. Puren nomme « l’intégration didactique maximale » et qui consiste à assurer tout à la fois tous les apprentissages. Nous avons montré que la compréhension y est le parent pauvre et qu’elle n’est prise en considération que dans la mesure où elle permet de faciliter l’expression. Lors d’un colloque qui s’est tenu en octobre 2000 en Avignon, M. Kail, directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du Laboratoire Cognition et Développement à l’Université de Paris V, a été invitée à faire le point des recherches qui concernent les enjeux actuels de la psycholinguistique, dans les rapports entre la langue première et la langue seconde. Dans l’état actuel des recherches, grâce à des études menées sur des pathologies, une chose est acquise : la compréhension et la réception relèvent d’activités cérébrales différentes. On a pu montrer que des enfants qui souffrent d’un handicap précoce de la compréhension présenteront de sérieux troubles langagiers. En revanche, des enfants qui n’ont pas de troubles de la compréhension mais souffrent d’un retard de production, ne présenteront plus, à terme, de troubles langagiers. A partir de ces résultats, les chercheurs ont pu montrer que, si la compréhension est fortement liée aux autres activités cognitives, il n’en est pas de même pour la production. Il conviendrait donc de faire porter prioritairement l’attention des enseignants et des élèves sur la compréhension pour elle-même.

L’application sur le terrain de l’enseignement – apprentissage des langues et singulièrement de l’espagnol de semblables recherches devraient entraîner des bouleversements profonds mais, que cela prenne la forme d’injonctions institutionnelles et beaucoup d’acteurs ne leur accorderont que l’intérêt qu’on accorde à un effet de mode. Il est urgent de considérer normal, et de prendre les dispositions pour que les futurs enseignants soient rendus attentifs aux résultats des neurosciences qui permettent d’évaluer les potentialités du cerveau, d’en approcher les fonctionnements et de pointer les fautes qui sont produites à l’École contre sa réalité biologique. Prendre en compte ces contraintes, c’est à coup sûr se donner de solides ancrages au moment d’envisager la portée sociologique de cet apprentissage.